9.10 Vallée et gorges de la Sioule

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant les itinéraires n°18 et 21 des ateliers mobiles des paysages qui se sont tenus les 27/10/2011 et 31/01/2012.

1. SITUATION

Cet ensemble de paysages s’étend au nord-ouest du département du Puy-de-Dôme le long puis dans le prolongement de la face ouest de la Chaîne des Puys (1.01). Il continue ensuite vers le département de l’Allier en traversant les Combrailles (4.05). L’ensemble de paysages de la vallée et des gorges de la Sioule est un petit monde de nature à part au milieu des plateaux bocagers des Combrailles. Ce n’est qu’à partir de Pontgibaud que la Sioule s’écoule dans des gorges et ceci jusqu’à Ebreuil. Avant Pontgibaud, elle méandre dans une petite vallée.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 9. Les vallées, gorges et défilés

Les unités de paysages qui composent cet ensemble : 9.10 A Sioule de Saint Pierre-le-Chastel et Pontgibaud / 9.10 B Retenue des Fades / 9.10 C Gorges de la Sioule / 9.10 D Bassin de Menat / 9.10 E Gorges de Chouvigny / 9.10 F Bassin d’Ebreuil / 9.10 G Gorges de Jenzat.

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Une ambiance pittoresque de gorges sauvages.

Falaises abruptes et déchiquetées
Une grande partie de l’ensemble de paysages est fait de vallées encaissées en gorges. Les rivières y ont un cours tortueux au gré des failles, de la dureté des roches et des versants abrupts, souvent peu accessibles, d’où émergent des pans rocheux qui leur confèrent un caractère très "pittoresque".

2.2 Projet de Réserve Naturelle Nationale.

Ambiance hivernale, la Sioule à Chouvigny
Bien qu’actuellement en suspens, un projet de Réserve Naturelle Nationale est en discussion depuis les années 2000 sur la vallée de la Sioule. Entre la variété, la qualité des habitats naturels et l’intérêt communautaire de préserver les espèces qu’on y trouve, la présence de nombreux ouvrages et sites construits à grande valeur historique (viaduc des Fades, pont médiéval de Ménat, site thermal de Châteauneuf-les-Bains, site du Moyen-âge d’Ebreuil…) et la qualité des lieux et points de vues qui se succèdent tout le long de son cours (rochers et route des gorges de Chouvigny, belvédère de Queuille…), la Sioule est précieuse.

2.3 L’expérience des gorges.

Ambiance pittoresque
Au-delà des milieux, habitats et espèces naturelles, l’expérience que l’on fait en remontant la route de la vallée de la Sioule est un archétype de "l’expérience des gorges", de première importance en Auvergne. Si les gorges sont de natures très variées, l’expérience que l’on y fait a des fondements communs. Roland Barthes, dans Mythologies, en parle de cette façon : « Au nombre des spectacles promus par le Guide Bleu à l’existence esthétique, on trouve rarement la plaine (sauvée seulement lorsque l’on peut dire qu’elle est fertile), jamais le plateau. Seuls la montagne, la gorge, le défilé et le torrent peuvent accéder au panthéon du voyage, dans la mesure sans doute où ils semblent soutenir une morale de l’effort et de la solitude » (Barthes R., Mythologies, éditions du Seuil, 1957). La perte de l’horizon, le rapport de proximité aux roches et le rapport à un cours d’eau central sont trois composantes essentielles de l’expérience de la gorge.

2.4 La route des gorges : "l’une des sept merveilles d’Auvergne".

Route pittoresque des gorges de Chouvigny
La route qui longe le bord de la Sioule au fond des gorges peut être considérée comme l’une des plus belles routes d’Auvergne. Deux tronçons permettent de parcourir ainsi les gorges à proximité du cours d’eau : 1. le tronçon de route entre Pontgibaud et Montfermy proclamé « l’une des sept merveilles d’Auvergne » par Henri Pourrat dans les années soixante (cf. Pourrat H., En Auvergne, Editions Arthaud, 1966) ; 2. le tronçon de route qui longe la Sioule de Chateauneuf-les-Bains jusqu’à Ebreuil sur vingt cinq kilomètres. Ce deuxième tronçon a fait l’objet de multiples protections au titre de la politique des sites de l’Etat : site inscrit de la station thermale de Chateauneuf-les-Bains ; site inscrit de Pont-de-Menat ; site classé des gorges de Chouvigny ; site inscrit d’Ebreuil.

2.5 L’occupation de la vallée de la Sioule.
Ce sont souvent des gorges encaissées difficilement accessibles. Les fonds, lorsqu’ils s’élargissent, sont exploités en pacages humides, parfois remplacés par des plantations (peupliers). C’était également le lieu d’implantation de nombreux moulins qui ponctuent encore aujourd’hui le cours de la Sioule. Ces moulins ne fonctionnent plus et il n’en reste souvent que les ruines. Dès que les fonds de vallée s’élargissent, des villages ont été installés (Ayat, Lisseuil…). Les versants trop pentus pour être exploités étaient laissés à la forêt ou au parcours. Une grande partie des versants des gorges est aujourd’hui recouverte de forêts.
Les rebords de plateaux moins pentus et souvent éloignés des villages, où le sol est de moindre qualité, étaient souvent utilisés comme parcours pour des troupeaux gardés (moutons). Cette pratique a largement disparu et ils évoluent aujourd’hui vers une lande qui se boise peu à peu.

2.6 La station thermale de Chateauneuf-les-Bains.
L’industrie thermale a profité de la beauté des gorges et de la présence de sources dans la zone de Chateauneuf-les-Bains pour installer un complexe thermal formé de plusieurs hameaux (les Grands Bains, le Bordas, Lamontgie, Lachaux, Lavaux) et du village de Chateauneuf. Vingt deux sources y étaient captées dont huit relativement chaudes qui alimentaient les bains. Le parc des Thermes, le pic Alibert du sommet duquel la statue de la Vierge de l’Espérance semble regarder la vue sur la vallée, la presqu’île de Saint-Cyr et le méandre de la Sioule, les villages et hameaux, constituent le complexe classique de promenades de proximité et petites excursions qui caractérisent l’implantation et l’organisation thermales (cf. ensemble 3.04).

2.7 Les grandes retenues : barrages hydroélectriques ou barrages d’irrigation.

Méandre de Queuille
La réalisation de retenues comme le barrage des Fades et celui de Queuille a profondément transformé les paysages de vallée dans la partie centrale des gorges sur une distance d’une dizaine de kilomètres. Il en résulte des paysages spectaculaires comme celui du méandre de Queuille. La Sioule est élargie au niveau du méandre du fait de la construction du barrage 1 km en aval. Celui-ci, construit durant les premières années du 20ème siècle, est un des plus vieux barrages électriques d’Auvergne. Il est toujours en fonctionnement. Sur la presqu’île, au centre du méandre, le village de Murat, difficilement accessible, a été abandonné.

2.8 Une atmosphère de paysage post-industriel en ruine.

Barrage et viaduc des Fades
Près du barrage des Fades, une grande carrière en phase d’enfrichement a été exploitée sur un versant abrupt. Le viaduc des Fades enjambe la Sioule à une centaine de mètres en aval du barrage. L’assemblage carrière-barrage-viaduc crée une atmosphère de paysage post-industriel en ruine. La carrière ne fonctionne plus et l’exploitation de la ligne de chemin de fer a été suspendue en 2007 pour des raisons de sécurité et de vétusté de l’infrastructure. Seul le barrage n’est pas une ruine. L’endroit pose la question de la reconversion des ruines liées à l’abandon des grandes infrastructures industrielles des deux derniers siècles.

2.9 Des interfaces entre histoire industrielle et problématiques naturalistes.
L’histoire industrielle de la vallée de la Sioule trouve aujourd’hui des interfaces avec les problématiques naturalistes de préservation des milieux et des espèces. Cette histoire est particulièrement perceptible dans la vallée en amont, dans la zone de Pontgibaud et des Rosiers.

2.9.1 Paysage sur fond de Puy-de-Dôme.

Ancienne mine de plomb argentifère des Rosiers
En descendant un chemin dans un vallon, depuis les grands bâtiments du 19ème siècle qui marquent l’entrée de la zone minière des Rosiers dans le secteur de Pontgibaud, on découvre progressivement un paysage qui n’est pas sans rappeler celui de dunes. Au bout du chemin, un étang met un point final à ce paysage quasi lunaire. Depuis la "halde" (amoncellement des stériles de la mine de plomb argentifère ou galène), apparaît étrangement le Puy-de-Dôme bien cadré par les versants boisés du vallon. La "dune" s’étend sur quelques centaines de mètres en fond de vallon étroit, au bord du ruisseau de la Veyssières, petit affluent qui se jette dans la Sioule à moins d’un kilomètre en aval. L’exploitation a été abandonnée en 1898. Le minerai était transporté par voie ferrée à Pontgibaud depuis la gare des Rosiers au bord de la Sioule pour y être traité. Depuis, aucune plante n’a réussi à s’implanter dans le sable stérile qui contient de l’arsenic et du plomb. L’Etat envisage à terme une mise en sécurité de ce terril minier (cf http://risques.auvergne.pref.gouv.fr/).

2.9.2 La route des mines Dômes et Combrailles.
L’association la route des mines Dômes et Combrailles est à l’initiative du musée de la mine d’argent installé dans les communs du château Dauphin à Pontgibaud. Ce musée raconte l’histoire des mineurs-paysans qui ont exploité durant des siècles la galène (plomb sulfureux argentifère) le long de la vallée de la Sioule. De 1853 à 1897, 68 kilomètres de galeries ont été creusés. L’association a une vocation naturaliste. Elle joue un rôle notamment dans la préservation des sites miniers comme site à enjeux pour les chauves-souris et leur mise en sécurité.

2.9.3 Mines et chauves-souris : la mise en sécurité des mines désaffectées.
La mise en sécurité des sites de mines désaffectées est étroitement liée aux enjeux concernant la préservation des habitats à chauves-souris. Il s’agit de concilier mise en sécurité des mines et préservation des chauves-souris.

2.9.4 Le réseau de gares et bâtiments à chauves-souris.

Ancienne gare de Miouze
Le développement de beaucoup d’espèces de chauves-souris est étroitement lié aux activités humaines. En Lorraine, les ouvrages abandonnés de la ligne Maginot sont devenus des sites Natura 2000 célèbres de gîtes à chiroptères. La configuration du chapelet de mines, souvent accompagnées de bâtiments d’exploitation désaffectés et reliées par le rail dans la vallée de la Sioule, s’apparente à celle de la ligne Maginot et de ses forteresses construites. Les anciennes mines sont des gîtes hivernaux quand les constructions (bâtiments) sont des lieux de reproduction. Les besoins des chauves-souris sont différents en hiver et en été. En hiver, il leur faut une température constante de 8/10°C, qui correspond à celle des galeries de mines. L’été, elles se regroupent en colonie sur des lieux de reproduction qui peuvent être des bâtiments comme des granges, des églises, des gares abandonnées… Le Conservatoire Régional des Espaces Naturels (CREN) s’intéresse aux gares ou bâtiments désaffectés dans lesquels se sont installées des colonies de chauves-souris. Il est en contact avec le Réseau Ferré de France (RFF). Un inventaire des gares à l’abandon a été réalisé.

3. MOTIFS PAYSAGERS

3.1 Les points de vue exceptionnels et multiples depuis les rebords de plateaux sur la vallée et les gorges.
Pour exemples : le point de vue du belvédère de la Vierge à Châteauneuf-les-Bains ; le point de vue sur le méandre de Queuille à Queuille ; le point de vue depuis le château des Rochers à Pont-de-Menat ; le point de vue du promontoire de Saint-Pierre-de-Chastel…
(cf. pour la plupart : Expériences et endroits singuliers.)

3.2 Les pins acrrochés sur les promontoires rocheux.
Les émergences de pans rocheux surmontés de quelques pins au-dessus des versants forestiers donnent, pour peu que s’y mêle la brume, une ambiance quasi-picturale (cf. la photographie de l’article 2.1 Une ambiance pittoresque de gorges sauvages).

3.3 Le réseau des ruines industrielles.
Les infrastructures industrielles d’exploitation du sous-sol (mines) qui peuvent être très anciennes sont dispersées le long de la vallée dans des endroits relativement secrets parfois inaccessibles. Leur présence importante et fragmentée en fait un motif de l’ensemble de paysages à forte composante patrimoniale. Une bonne part de l’histoire des habitants de la vallée peut y être lue.

4. EXPERIENCES OU ENDROITS SINGULIERS

4.1 Les gorges de Chouvigny.
Les gorges de chouvigny font partie de la catégorie des gorges très accessibles longées par une route. Elles sont protégées au titre de la politique des sites de l’Etat (site classé) et de Natura 2000. Le site Natura 2000 est très vaste et comprend un très grand ensemble d’habitats et d’espèces, notamment de grands mammifères, saumons et chauves-souris…
Dans les gorges de Chouvigny, la route permet de longer le cours d’eau en le surplombant à distance homogène. Des barrières de sécurité en bois ont été installées sur certains tronçons. Des parapets en pierre avaient été installés par le passé. Un tunnel a été creusé dans la roche entre Le Pont de Menat et Ebreuil. Des rochers ont été coupés en deux pour faire passer la route. Des belvédères ont été aménagés sur certains rochers au-dessus de la route, dont le Roc Armand qui est le plus célèbre. Des hôtels aux noms évocateurs (Beau Site, Les Roches…), plus ou moins abandonnés ou rénovés, jalonnent les gorges et témoignent de l’importance touristique qu’elles ont pu connaître jadis. Les flancs de la vallée, anciennement des landes pâturées, ont été re-colonisés par la forêt de feuillus comme dans beaucoup de gorges escarpées.

4.2 Le belvédère du méandre de Queuille.
L’église et le cimetière sont construits au bout du village, près d’un promontoire. Le parking de l’église sert à l’accueil des touristes qui veulent aller admirer le méandre de Queuille. Un belvédère, aménagé en surplomb de 250 mètres depuis le plateau granitique, est accessible par un petit chemin, en descendant des escaliers. La descente face au méandre est vertigineuse et met en condition pour apprécier la vue. Le point de vue est l’un des plus spectaculaires d’Auvergne.

4.3 Le viaduc des Fades.
La construction du viaduc des Fades a duré huit ans jusqu’à son inauguration en 1909. La décision de sa construction a pris une vingtaine d’années. Les piles ont été construites par la corporation des maçons itinérants de la Creuse. Elles sont creuses et ont été construites sans échaffaudage : un monte-charge à l’intérieur permettait l’amenée des matériaux de construction. Ce sont les plus hautes piles de pont en maçonnerie traditionnelle jamais construites. Leur base est plus large qu’un terrain de tennis. En 1909, le viaduc des Fades était le plus haut pont du monde. Aujourd’hui, il n’est plus utilisé par le chemin de fer.

4.4 Le promontoire de Saint-Pierre-de-Chastel et la zone humide du Mazaye.
L’église de Saint-Pierre-de-Chastel a été construite sur le replat d’une coulée volcanique, à l’écart du village. Le petit plateau, occupé par l’église et quelques champs encerclés par une petite route, se termine en promontoire sur la vallée de la Sioule. La vue panoramique est imprenable sur la vallée qui encercle le promontoire volcanique et sur la chaîne des Puys en direction du sud-est.
Au pied du promontoire, dans la vallée occupée essentiellement par l’élevage, à l’ouest coule la Sioule et à l’est coule le ruisseau de Mazaye. Par temps de pluie, la partie à l’est se comble d’eau comme un lac laissant apparaître clairement sa qualité de zone humide accueillante pour la faune (hérons, martin pêcheurs…) et la flore. Puis, elle s’assèche progressivement.
Les prairies humides traversées par le ruisseau de Mazaye ont été drainées. Des saules et autres espèces hygrophiles soulignent la présence rectiligne du quadrillage des fossés de drainage.
La zone humide est un site Natural 2000 et un Espace Naturel Sensible (ENS) du Conseil Général. L’initiative, locale, est portée par la collectivité elle-même.

4.5 Le parc de la station thermale de Châteauneuf-les-Bains.
Le parc de la station thermale, organisé en forme de promenade le long de la Sioule dans le creux des gorges à Châteauneuf-les-Bains, avec ses grands arbres et sa grande pelouse, donne une idée de l’atmosphère passée d’une petite station thermale à l’écart des grands axes de communication (cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009).

4.6 Le site complexe de Pont-de-Menat.
A Pont-de-Menat, un pont médiéval traverse la Sioule. A une centaine de mètres de là, une autre infrastructure, plus monumentale, le "nouveau pont" construit au 19ème siècle. Le bourg s’est organisé dans le temps par rapport à ces deux infrastructures de franchissement. Au-dessus, à quelques kilomètres, le château-Rocher domine la Sioule depuis son éperon rocheux (cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009 et Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département de l’Allier, Diren Auvergne, 2009).

5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER

  • La transformation du regard sur les vestiges du passé industriel, d’un regard "culturel" à un regard plus "naturaliste".
    Une nouvelle relation est née de l’abandon durant des décennies des infrastructures industrielles de la vallée. Les intérêts naturalistes que génèrent ces endroits abandonnés à la faune et la flore spontanée et l’intérêt patrimonial humain se rejoignent aujourd’hui pour contribuer à mettre en place à la fois un dispositif de gestion combiné et un dispositif de regard et de découverte (cf. Grandes Composantes des Paysages : des interfaces entre histoire industrielle et problématiques naturalistes.)

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

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