9.09 Vallée et gorges de la Durolle
Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant l’ itinéraire n°22 de l’atelier mobile des paysages qui s’est tenu le 01/02/2012.
1. SITUATION
L’ensemble des paysages des Gorges et de la Vallée de la Durolle (département du Puy-de-Dôme) vient entrecouper le massif des Monts du Forez (1.10) et les massifs des Bois Noirs et de la Montagne bourbonnaise (2.03) avant de rejoindre la Vallée de la Dore (9.08). Frontière naturelle entre deux morceaux originels du massif du Forez, la vallée encaissée sert de couloir entre les plaines de la Dore et de l’Allier et la plaine du Forez dans le département voisin de la Loire. La Durolle serpente en fond de vallée étroite selon des mouvements serrés. Les rives sont abruptes et, sur les hauteurs, le parcours est jalonné de dômes, de monts, de puys (Puy Servier, Puy du Montel, Puy de Biat…). Tout au long de son cours, la Durolle est alimentée par de nombreux ruisseaux venant des hauteurs et parfaitement perpendiculaires à son cours.
Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 9. Les vallées, gorges et défilés
Les unités de paysages qui composent cet ensemble : 9.09 A Gorges de la Durolle / 9.09 B Bassinde Chabreloche (Transition avec 2.01 Bois noirs et Montagne bourbonnaise).
2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES
2.1 Le site de la ville de Thiers.
2.2 L’industrie des gorges et ce qu’il en reste.
2.2.1 "Zone industrielle" de gorges.
2.2.2 Le schème de la ville basse et de la ville haute.
2.2.3 ZIF (Zone Industrielle Fantôme) : Abandons, destructions, reconversions et réaménagements.
2.2.4 La vallée des Rouets.
Une phrase relevée dans un guide de promenade dans le département du Puy-de-Dôme donne la mesure du lieu : « Non loin de Thiers, dans les gorges de la Durolle creusées dans le granite, il est un lieu sauvage hanté par l’esprit des couteliers de jadis : la vallée des Rouets ». Un panneau sur le site présente le lieu de la façon suivante : « Installés au bord de la rivière, dans les gorges étroites creusées par la Durolle, les rouets sont de petits ateliers, ou moulins à aiguiser actionnés par une roue hydraulique. C’est là qu’ont travaillé, peiné, plusieurs générations d’émouleurs. Simples maillons de la longue chaîne de fabrication du couteau, ils mettaient au tranchant ces lames de Thiers qui partaient ensuite aux quatre coins du monde. Ils étaient près de six cents au début du 20ème siècle. Seul, un émouleur, Jojo Lyonnet est resté en activité jusqu’en 1976 ». Au fil de l’eau s’échelonnent une quinzaine de rouets, tous en ruine sauf un, devenu musée. Le promeneur accède au fond de la gorge par les anciennes voies aménagées par les émouleurs. La forêt rend encore plus humide et sombre l’atmosphère du lieu. Le paysage est un paysage de l’énergie (hydraulique) en ruine et du monde ouvrier. Les rouets ont progressivement été désaffectés à partir des années vingt, suite à l’avènement de l’électricité. La présence très proche de la ligne de chemin de fer en surplomb des gorges renforce l’atmosphère industrielle du lieu.
2.3 Juxtaposition des activités anciennes et des développements modernes.
2.3.1 L’ambiance hétéroclite de la vallée.
L’ensemble paysager de la vallée de la Durolle est un des rares ensembles de paysages auvergnats où se cotoient dans un espace exigu et contraint les forces puissantes de la nature et des modes très variés d’installations et d’occupations humaines du territoire. C’est aussi un espace où des étapes très diverses de notre histoire industrielle, ou plus largement économique, sont juxtaposées, où des éléments anciens de cette histoire sont confrontés très directement avec des développements très actuels comme celui des zones d’activités nouvelles, celui des formes de l’habitat contemporain… L’ensemble crée une atmosphère d’effervescence que l’on ne retrouve peut-être nulle part ailleurs en Auvergne.
2.3.2 Le passage stratégique de la vallée de la Durolle et le développement tous azimuts de l’habitat et des activités économiques.
2.3.3 Illustrations de formes d’habitat en cours de développement dans la vallée de la Durolle.
- le lotissement économe. Le long d’une rue de Seitol, une quinzaine de logements sociaux ont été revendus à leurs habitants. L’opération de logements HLM des années 1960 a de grandes qualités en comparaison avec les zones pavillonnaires récentes. Notamment, en terme de densité, d’efficacité d’occupation de l’espace et de lien social. Les maisons à un étage sont jumelées et alignées le long de la rue, légèrement en retrait pour créer un "espace de devant" souvent transformé en jardin favorisant le lien social. La rue qui les dessert est une ruelle non surdimensionnée.
- le lotissement des années 1980 à 2000. En face de cette opération ancienne exemplaire, une opération récente interpelle. Une zone pavillonnaire a été aménagée sur la colline. Elle est très visible. Son réseau de voirie est surdimensionné pour desservir de grandes parcelles très consommatrices d’espace. Ce type de lotissement s’est fortement généralisé depuis les années 1980.
- le projet de lotissement éco-quartier. Le maire a décidé de faire ce qu’on appelle une « opération vertueuse », une « alternative aux lotissements sans âme qui banalisent le paysage » : un éco-quartier pour montrer un exemple possible de prise en compte de l’existant et d’optimisation de l’aménagement. L’idée est de réaliser ce qu’habituellement on décrit comme un quartier ancré dans son territoire, différent de ce qui se passe partout ailleurs. Le choix s’est porté sur des maisons mitoyennes jumelées et de l’habitat intermédiaire.
2.3.4 Lotissement conçu à la hâte.
2.3.5 Reconversion d’une usine en logements.
2.3.6 La deuxième ville et la deuxième zone d’activité.
La ville de Thiers est en extension depuis les années 1960 le long de la route départementale dans la plaine, au pied de l’ancienne ville. La construction de cette deuxième ville, la ville moderne, a été rapide et sa position très autonome par rapport à l’ancienne en fait un exemple type (à étudier avec précision) de nos conceptions urbaines "par défaut" des quarante dernières années. Sur trois ou quatre kilomètres jusqu’à la Dore et Pont-de-Dore, sur une bande de 600 mètres, se succèdent zones commerciales, bâtiments industriels, bâtiments de logistique, vaste tapis d’habitat pavillonnaire, gendarmerie, terrains de sports, ronds-points, boulangeries… Une deuxième ville est née par le biais d’une deuxième zone industrielle, plus facile d’accès, adaptée aux modes de vie actuels et aujourd’hui "branchée" sur l’autoroute A72. Un échangeur a été aménagé pour desservir la deuxième ville de Thiers. Près de l’échangeur, une nouvelle zone industrielle a vu le jour.
La singularité de cette deuxième ville n’est pas d’être issue d’une logique d’aménagement récente typique des entrées de grandes villes de la deuxième moitié du 20ème siècle mais plutôt d’avoir un potentiel d’évolution exemplaire pour le siècle à venir. Cette ville moderne est dans le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez. Elle est traversée par une rivière, bordée par une autre et un coteau…
L’image et la réalité de cette ville peuvent se transformer radicalement si son développement futur est basé sur des principes écologiques nouveaux. Elle peut devenir un exemple positif d’évolution urbaine contemporaine.
3. MOTIFS PAYSAGERS
3.1 Les jardins vivriers du monde industriel.
On rencontre sur les versants et dans les creux de la vallée une quantité de jardins vivriers anciens qui ne passent pas inaperçus. Les jardins en terrasse à Thiers occupent une bonne part de la zone intermédiaire sur les pentes de la vallée entre la "ville haute" et la "ville basse". On les longe par les chemins qui permettent de passer de l’une à l’autre à pied vers le Creux de l’Enfer. Dans la vallée des Rouets, les emplacements des vestiges des jardins des moulins restent encore très perceptibles.
3.2 Les friches industrielles anciennes ou plus récentes.
Bien qu’une partie des bâtiments industrielles dans les gorges fasse l’objet de reconversions, une bonne partie des bâtiments et des espaces adjacents sont inexploités ou définitivement à l’abandon (cf. Grandes composantes de paysages : 2.2 L’industrie des gorges et ce qu’il en reste.)
3.3 Les zones d’habitats contemporaines.
La position stratégique de la vallée de la Durolle, à quelques encablures de Thiers, dans l’aire d’influence de Clermont-Ferrand, au bord de l’Autoroute A89 qui met Saint-Etienne et Lyon à portée de voiture, génère une forme de pression par l’urbanisation nouvelle. Des quartiers d’habitat émergent de-ci de-là, souvent très visibles sur les reliefs de la vallée (cf. Grandes composantes de paysages : illustrations de formes d’habitat en cours de développement dans la vallée de la Durolle)
3.4 Les zones d’activités contemporaines.
L’Autoroute A89 est particulièrement attractive pour l’installation d’activités économiques. Le nouvel échangeur de Lezoux a généré la création de l’une des plus grandes zones d’activité auvergnate. La création de l’A72 en 1978 (première autoroute auvergnate reliant Clermont-Ferrand à Saint-Etienne), a suscité l’apparition d’autres zones d’activité comme celle de Racine à La-Monnerie-le-Montel qui a fait l’objet d’une étude de réhabilitation en 2000 en ce qui concerne la qualité de ses espaces publics. Ces zones concentrant de nombreuses entreprises sont particulièrement perceptibles au quotidien dans cet ensemble de paysages.
4. EXPERIENCES OU ENDROITS SINGULIERS
4.1 Le point de vue panoramique et lointain sur la plaine de Limagne et la chaîne des Puys depuis la terrasse des remparts à Thiers.
Par temps clair, il fait partie des plus beaux panoramas d’Auvergne.
4.2 Le point de vue du Rocher de Borbes.
Sur la route de Sainte-Agathe, il offre une vision sur la grande Limagne et la plaine de Varennes.
4.3 Le point de vue sur Thiers en arrivant par la plaine.
C’est une vision en contreplongée rare et quasi exotique d’une ville accrochée aux pentes surplombant la plaine. On a plus l’habitude de cette vision en modèle plus réduit (bourg ou village à flanc de relief).
4.4 La vallée des Rouets.
La vallée des Rouets est aujourd’hui un site protégé par la politique des sites. Il a fait l’objet d’un aménagement simple permettant l’accueil des visiteurs et expliquant le quotidien des anciens ouvriers des rouets (cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009).
4.5 Les points de vue sur la vallée des Rouets depuis les villages anciens perchés au bord de la route D2089.
4.6 Le promontoire de la chapelle Saint-Roch à Thiers.
Le petit promontoire offre une vue sur la zone industrielle ancienne du creux de l’Enfer, sur la bande des jardins vivriers qui occupent le versant entre la ville noire et la ville haute. C’est l’un des points de vue les plus didactiques de l’histoire de l’organisation spatiale de Thiers (cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009).
4.7 La force visuelle et sonore de l’eau au Creux de l’Enfer.
C’est l’un des spectacles de la force de l’eau les plus impressionnants d’Auvergne. L’étroitesse de la vallée au Creux de l’Enfer et aujourd’hui le caractère fantomatique de cette partie de ville participent de cette impression (cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009).
5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER
- La reconquête urbaine du centre ancien de Thiers
La ville a fait l’objet d’un projet de renouvellement urbain complexe (programme ANRU) qui a permis non seulement de réhabiliter en logement de vieux immeubles du centre ville mais aussi de construire une grande place centrale sur un parking et de détruire des barres de logements construites dans les années soixante à flanc de coteau (cf. Exemples de projets locaux : ANRU de Thiers). - Le développement des friches industrielles.
Les anciennes zones industriels, peu pratiques, sont facilement délaissées au profit de nouvelles zones créées au bord de l’A89. - Le développement résidentiel sur les "balcons" surplombant la vallée.
La proximité de l’A89 génère une forte pression de l’habitat, notamment très perceptible quand cet habitat privatise petit-à-petit les rues en balcon sur la vallée. - L’étalement des zones commerciales et industrielles dans la plaine au pied de Thiers.
Cet étalement perpétue le caractère relativement schématique de l’organisation spatiale de Thiers : ville haute opposée à ville basse au 19ème siècle ; ville ancienne opposée à ville industrialo-commerciale dans la deuxième moitié du 20ème siècle (cf. Grandes composantes de paysages : la deuxième ville et la deuxième zone d’activité).