8.02 Loire bourbonnaise

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant l’itinéraire n°27 des ateliers mobiles des paysages, qui a été effectué le 29/03/2012.

1. SITUATION

La Loire marque la limite naturelle entre le département du même nom, celui de la Saône-et-Loire et celui de l’Allier dans sa partie la plus à l’est. Elle s’étend sur ce tronçon du village d’Avrilly, en amont, au bourg de Gannay-sur-Loire, à l’aval. La vallée est bordée à l’ouest par trois ensembles de paysages : la Sologne bourbonnaise (5.04) dans sa partie aval, la vallée de la Besbre (9.11) et le Bocage des Basses Marches du Bourbonnais (5.05) en amont. L’ensemble de paysages est constitué de la plaine alluviale (l’espace de divagation ancien de la Loire a une emprise moyenne de quatre kilomètres) où s’écoule le fleuve et dans laquelle de longues infrastructures de canaux ont été construites au 19ème siècle.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 8. Les vals et grandes rivières de plaine

Les unités de paysages de cet ensemble : 8.02 A Plaine de Beaulon et Sept-Fonts / 8.02 B Loire de Digoin / 8.02 C Plaine de Saint Yan.

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Le décalage entre le cours actuel de la Loire et les limites départementales : l’espace de divagation de la Loire.
Comme l’Allier, mais dans une moindre mesure, la divagation de la Loire a généré des situations locales curieuses. La limite entre le département de l’Allier et ses deux départements limitrophes à l’est (la Loire et la Saône-et-Loire), donne l’emplacement du lit du fleuve à l’époque de son tracé. Cette dernière ne se superpose plus avec le cours actuel sur une grande longueur. Certains terrains se retrouvent séparés de leur commune par le nouvel emplacement du fleuve. Un hameau, celui des Grands Verziaux en face de Bourbon-Lancy, est sur la rive gauche mais ne fait pas partie du département de l’Allier.

2.2 Les ponts sont des points de contact rares avec le fleuve.

La Loire depuis le pont de Bonnand
Comme dans le cas de l’Allier et à cause de la largeur de quatre kilomètres en moyenne de l’espace de divagation de la Loire, dans lequel peu de hameaux et de routes ont pu être construits, l’accès visuel au fleuve est relativement rare : cinq ponts sur quatre-vingts kilomètres de cours (le pont de Bonnant au sud, les deux ponts de Digoin dont le pont canal, les ponts près de Diou et de Bourbon-Lancy et celui de Gannay-sur-Loire) et quelques petites villes comme Saint-Aubin-sur-Loire, Diou et Digoin sont les seuls points de contact avec le fleuve.

2.3 Ambiance de la Loire : vision "sauvage" de la Loire depuis le pont de Bonnant.

La Loire depuis le pont de Bonnand
Le village de Bonnant est positionné entre le Canal de Digoin à Roanne et la Loire. A cet endroit a été construit le pont dit de Bonnant. Depuis le pont, la vision « sauvage » de la Loire côtoie une vision « idyllique » de campagne ancienne. Des vaches charolaises pâturent dans les prés plus ou moins humides. Elles s’abritent sous les bosquets de saules. Les prés sont délimités par un long chemin encadré de deux bouchures taillées qu’empruntent les vaches pour aller au pré. Quelques arbres isolés ont été préservés le long des bouchures. Les grands peupliers au bord du canal invisible forment un deuxième alignement parallèle au chemin à double haie. Une haie en friche au pied des peupliers, fruticée de ronces et de prunelliers, sépare les prés du canal. La concentration d’infrastructures de circulation et leur dimension par rapport au village, la position de celui-ci en marge et limite du territoire administratif, le caractère très rural de ses alentours et des berges de la Loire non gagnées par les grandes cultures, et l’apparence « sauvage » de la Loire donnent à l’endroit un caractère étrange de "carrefour de voies de communication isolé". Cette impression se retrouve sur une grande partie de l’ensemble de paysages.

2.4 Infrastructures de transport : le canal de Roanne à Digoin et le canal latéral à la Loire.

Canal de Roanne à Digoin
Ils se rejoignent à Digoin. Le canal Latéral à la Loire fait environ deux cents kilomètres et relie Digoin à Briare, deux sites célèbres de ponts-canaux. Dans le département de l’Allier, il est alimenté en eaux par le canal de Roanne à Digoin et par la Besbre à Sept-Fons. Le canal de Roanne à Digoin fait, lui, cinquante-cinq kilomètres dont une vingtaine dans le département de l’Allier. La ville de Digoin en Saône-et-Loire est un nœud de circulation de canaux. Non seulement le canal de Roanne à Digoin y rejoint le canal latéral mais le canal latéral s’y connecte au canal du Centre. La présence de ces canaux, des écluses, des ponts, des croisements, des élargissements… génère une ambiance d’infrastructure très présente sur tout l’ensemble de paysages.

2.5 Le présent et l’avenir des canaux : l’exemple du canal de Roanne à Digoin.
Depuis 1992, le canal de Roanne à Digoin n’a plus qu’une fonction de plaisance. L’état des berges montre la difficulté de son entretien depuis la fin de son usage industriel. Le canal est propriété de l’Etat. Une partie a été confiée à la Région Bourgogne. Mais c’est un patrimoine qui s’écroule petit-à-petit. Des haltes sont aménagées tout le long pour l’arrêt des plaisanciers : pontons en bois, espaces ombragés…
Le canal de Roanne à Digoin a été ouvert en 1838 en même temps que le canal latéral à la Loire dont il est le prolongement vers le sud. Il a été construit pour suppléer, à l’époque, d’une part l’insuffisance de la Loire pour répondre à la l’augmentation de la demande industrielle et pour aider d’autre part à l’alimentation en eau du canal latéral. Beaucoup de travaux ont permis son adaptation à la demande au fil du temps. La période la plus faste a été les années 1920 où il a servi d’infrastructure d’acheminement de matériaux à l’Arsenal de Roanne.
Il est partagé entre trois départements (Loire, Allier, Saône-et-Loire) qui se trouvent dans trois régions différentes (Bourgogne, Auvergne, Rhône-Alpes). D’où une certaine difficulté de prise de décision pour concevoir son avenir aujourd’hui, ce qui inquiète les collectivités locales. Le tourisme reste marginal et n’est pas considéré comme ayant suffisamment de poids pour imaginer une gestion future de l’infrastructure.

2.6 Les terres entre les canaux et la Loire.

Plaine agricole de la vallée de la Loire entre le canal et la Loire
Entre les canaux et la Loire, les terres sont en majeure partie de grandes prairies grasses entourées de bouchures bien taillées. Beaucoup de chênes isolés ont été conservés dans les haies ou dans les prés. Quelques terrains isolés sont cultivés en vigne. Certaines zones sont ponctuellement ouvertes à une agriculture plus intensive.

2.7 Vision du monde d’aujourd’hui : une campagne de bocage et d’infrastructures de transport.

RCEA à proximité de Molinet
Depuis la petite route en direction de Digoin (après Chassenard en rejoignant Vivant) qui traverse la campagne alluviale de la Loire et permet de passer sous la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA), on peut avoir une vision de cette campagne, qui mélange terres alluviales et infrastructures de transport anciennes et modernes. Depuis la campagne, dans cet espace entre la Loire et le canal, s’offre une vision de monde moderne, de tours de logements en béton sur le coteau à Digoin et de lignes de camions traversant l’Europe sur fond de fermes aux toitures de tuiles et aux corps de bâtiments anciens, d’arbres isolés plus ou moins vieux, de haies bocagères…

2.8 Les espaces générés par la présence des canaux.

  • Les délaissés de canal. Au niveau du hameau de la Croix Rouge près de Chassenard, le canal a été mis en ligne droite au moment de l’une de ses modernisations. Comme pour les routes aujourd’hui, il en a résulté un délaissé ("délaissé de canal") très perceptible par la présence des doubles alignements d’arbres qui le bordaient. Le délaissé a été comblé. Une entreprise a installé un hangar sur le tracé. Une maison a été construite…
  • Entrée de ville de Digoin.
    Ecluse à Digoin
    Le pont-canal de Digoin est son entrée de ville, non routière. Construit en 1837, il focalise l’attention et la circulation à l’entrée de la ville et sert d’infrastructure de loisir au même titre qu’un parc dans d’autres villes. Le bord du grand plan d’eau avant l’écluse, qui permet d’accéder au pont, est un lieu apprécié des pêcheurs. Des cyclistes et des promeneurs empruntent le chemin de halage du pont aménagé comme un trottoir. Des lampadaires urbains permettent de venir s’y promener le soir. Le pont à huit mètres au-dessus de la Loire est aux portes de la ville. En contrebas du canal, sur la rive inondable, un sentier a été aménagé pour traverser les zones humides auxquelles il donne une apparence de parc. Un panneau sur le pont annonce un « sentier de découverte des zones humides : la promenade des demoiselles ». L’écluse a fait l’objet de travaux de réparation financés par le Conseil Régional de Bourgogne et les fonds européens de développement régional (FEDER). Pour créer des espaces de qualité, la question de l’aménagement des entrées de villes devrait être réfléchie sur la base des éléments singuliers dont disposent ces villes pour mettre en avant leur identité propre. Tous les exemples d’entrées de villes et de bourgs peuvent être revisités sous cet angle. Celui de Digoin est un cas surprenant qui pousse à réfléchir sur l’expérience d’entrée de ville.
  • L’oubli du canal pour l’aménagement de la place de la mairie. La place de la mairie de Diou a été réaménagée en espace-piéton. Elle est traversée par la route. Le sol a été entièrement refait en pavés agencés en quadrillage selon des différences de couleur. Quelques arbres ont été plantés mais l’espace est très « minéral ». Des plots de pierre délimitent la place de la voirie. La priorité est donnée au « plateau piétonnier » de la place. A cent mètres devant la mairie, il y a le canal. Il n’est pas visible. L’aménagement ne l’a pas rendu perceptible. Un parking a été réalisé entre la place et le canal. Il fait partie de l’ensemble des aménagements réalisés sous l’impulsion du 1% paysage liés aux travaux de la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA).
    Place de la mairie à Diou
  • « Zone industrielle de campagne » autour d’une abbaye.
    Abbaye de Sept Fons
    Un mur de près de trois mètres de hauteur et trois kilomètres de long enclot la propriété des trappistes de l’abbaye de Sept Fons entre Diou et Dompierre-sur-Besbre. Entre les murs, un linéaire de sept cents mètres de bâtiments a été bâti au fil du temps, entourés de cours, d’un étang, d’un potager et de champs de cultures. L’implantation de l’abbaye date du 12ème siècle. Elle a profité du développement de Dompierre après la construction du canal latéral et des deux lignes de chemin de fer (une a disparu) au 19ème siècle pour faire prospérer sa propre activité industrielle. L’abbaye était devenue une grosse brasserie au début du 20ème siècle. L’activité a disparu. Une autre l’a remplacée : les moines trappistes y produisent la Germalyne (100% germes de blés), vendue en compléments alimentaires depuis 1930. Dans l’abbaye, ont aussi été réalisés les essais de fonte de fer qui sont à l’origine de l’implantation de l’usine située au bord du canal : à deux pas de l’abbaye de Sept Fons, a été installée initialement une fonderie, l’usine « Puzenat », qui fabriquait des engins agricoles. Puis, la fonderie est devenue progressivement propriété de Peugeot Citroën qui y coule des bloc moteurs. Elle a employé jusqu’à mille personnes. Aux alentours de l’usine, le long du canal, de la ligne de chemin de fer et de la RCEA, diverses industries se sont implantées encerclant l’abbaye et ses terrains agricoles. L’abbaye est à l’origine et au centre d’une "zone industrielle de campagne". La production industrielle se mêle à la production artisanale de miel, par exemple, dans des ruches placées dans les friches d’acacias alentours…
    ZI à proximité de l'Abbaye de Sept Fons

3. MOTIFS PAYSAGERS

3.1 Tous les éléments qui constituent l’univers des canaux.
Cela concerne un ensemble d’éléments répétitifs, que l’on retrouve soit sous forme linéaire, soit sous forme ponctuelle : les alignements de peupliers ou autres qui ombrageaient les canaux, les haltes, les écluses, les maisons éclusières et autres constructions démultipliées qui rythment les canaux…

3.2 Les rares murs en pisé dans les villages et les bourgs.
La présence de ces constructions constitue une sorte de "motif patrimonial discret" dont on fait souvent l’expérience par surprise.

4. EXPERIENCES OU ENDROITS SINGULIERS

4.1 Les vues de la Loire sauvage depuis les ponts.
Dans cet ensemble de paysages, les ponts comme le pont de Bonnant et le pont-canal de Digoin sont des occasions rares d’accéder rapidement à la vision sauvage de la Loire qui fait sa renommée. (cf. Grandes composantes des paysages : ambiance de la Loire, vision "sauvage"…)

4.2 Les vues de la Loire depuis certains bourgs toujours au bord du fleuve.
Les larges méandres de la Loire et son espace de divagation ont dégagé, presque sur tout l’ensemble de paysages, une bande de deux à quatre kilomètres dans laquelle on trouve peu de hameaux ou de bourgs. Une sorte de tâche blanche, comme on en trouvait sur les anciennes cartes géographiques. Quand cette bande se rétracte pour des raisons géologiques, on trouve les villes et bourgs qui offrent une vue sur la Loire : Saint-Aubin-sur-Loire, Diou, Digoin…

4.3 La vue emblématique de la Loire depuis le bourg d’Avrilly.
Depuis le coteau bordier, une des rares vues plongeantes sur la Loire et le canal de Roanne à Digoin.

4.4 Le port et le pont-canal sur la Loire à Digoin.
Le canal latéral à la Loire traverse la ville où il s’élargit en port. Digoin est une ville marinière, intersection de trois rivières et de trois canaux (canal latéral, canal du centre, canal de Roanne à Digoin)…

4.5 Le tunnel sous le canal.
(Sur la route départementale 210 en direction de Chassenard)
Le canal surplombe la campagne qu’il traverse. Il est surélevé par rapport à la route qui le longe. Un tunnel a été construit pour passer sous le canal. La route y est humide. Les canaux sont parsemés d’événements qui modifient leur position par rapport aux territoires qu’ils traversent. Les ouvrages les plus ordinaires qu’il a été nécessaire de construire pour contenir l’eau sont rapidement regardés aujourd’hui comme des évènements relativement extraordinaires.

4.6 Les délaissés de canal.
Au niveau du hameau de la Croix Rouge près de Chassenard, des travaux de modernisation du canal ont généré un "délaissé de canal" perceptibles par la présence des alignements d’arbres qui le bordaient. (cf. Grandes composantes des paysages : les qualités d’espaces générées par la présence des canaux…).

4.7 L’abbaye de Sept Fons et ses alentours.
C’est un exemple singulier de développement agro-industriel d’une abbaye en étroite relation avec les transformations du territoire depuis le 19ème siècle (construction des infrastructures, développement industriel et agricole). (cf. Grandes composantes des paysages : « zone industrielle de campagne » autour d’une abbaye..)

4.8 Le portail rouge du 12ème siècle fraîchement redécouvert.
A La Croix Rouge, sur un mur de l’église, un portail roman datant du 12ème siècle a été découvert en 2000 par un maçon qui travaillait sur le mur aux abords d’un vestige de tympan déjà connu depuis longtemps. Le vestige avait été classé comme mobilier à l’inventaire historique parce qu’on croyait qu’il était le résultat d’un déplacement ancien. Une protection aux intempéries a été construite. La rénovation a été effectuée à partir de 2008. Le portail est de couleur rouge.

4.9 Le bocage dans les terres humides entre canaux et Loire.
Le rôle de noeud de communications que joue la ville de Digoin, offre une vision de campagne de bocage singulière car mêlée à diverses infrastructures de transport. (cf. Grandes composantes de paysages.)

4.10 Les prunelliers en fleur sous les peupliers près de la Loire.
Sur la rive entre le village de Bonnant et le pont du même nom, un pré humide a été transformé en plantation de peupliers. Les arbres ont grandi. Un sous-bois non entretenu s’est développé. Une nappe blanche de prunelliers en fleurs.

5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER

  • La dégradation progressive des infrastructures du canal de Roanne à Digoin.
    L’abandon de la navigation de marchandise sur ce tronçon de canal en 1992 a eu pour conséquence sa dégradation progressive. La question de son exploitation à venir et de sa gestion est une question locale actuelle (cf. Grandes composantes de paysage : Le présent et l’avenir des canaux : l’exemple du cas du canal de Roanne à Digoin.).

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

>>> Visionnez les photos

Partager la page

Sur le même sujet