7.01 Bassin du Puy-en-Velay

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant l’itinéraire n°1 des ateliers mobiles des paysages, qui a été effectué le 24/05/2011.

1. SITUATION

Au coeur du département de la Haute-Loire, le bassin du Puy-en-Velay constitue le pivot de plusieurs grands ensembles paysagers. Faisant géographiquement partie de la vallée de la Loire en lien étroit avec le bassin de Brives-Charensac, les passages avec les paysages voisins sont relativement francs et marqués. Au nord et à l’ouest, c’est le Devès qui offre sur ses hauts rebords aux versants abrupts, des percées sur la ville et ses monuments. Au-delà de la vallée et des gorges de la Haute-Loire, c’est le Mézenc et ses hautes terres qui occupent la frange est, ainsi que le Meygal et ses sucs éminents et boisés.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 7. Les bassins

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Un paysage emblématique de Haute-Loire et de l’Auvergne.

Vue symbolique de la ville du Puy depuis le deuxième réservoir
Une "cuvette", remplie d’alluvions lacustres, creusée dans des plateaux basaltiques et ponctuée de cheminées volcaniques dégagées par l’érosion autour desquelles ont été bâtis des bourgs puis des villes et sur lesquelles ont été édifiés des monuments à haute valeur symbolique (Chapelle Saint-Michel sur le rocher d’Aiguilhe, statue de la Vierge sur le rocher Corneille au Puy-en-Velay ou forteresse de Polignac), c’est ce qui constitue le paysage célèbre du bassin du Puy-en-Velay. Quiconque n’est jamais venu en Auvergne en connaît au moins deux grandes vues : celle du Puy-de-Dôme et de la chaîne des Puys et celle du bassin du Puy-en-Velay. La deuxième est un paysage urbain emblématique non seulement en Haute-Loire, mais dans toute l’Auvergne. C’est l’un des rares sites urbains à avoir fait l’objet d’une protection de grande ampleur au titre de la politique des sites et des paysages, associée à la mise en place d’un des plus grands Secteurs Sauvegardés (protection au titre du patrimoine historique).

2.2 Une agglomération dans une dépression.

Entrée sur le bassin du Puy par la vallée de la Borne
Avec le temps, l’agglomération du Puy-en-Velay a recouvert les fonds du bassin jusqu’aux coteaux qui le cernent. D’où une impression étrange de "remplissage" ou de "comblement" par les constructions humaines. Contrairement à d’autres agglomérations qui peuvent s’étaler sur une plaine, celle-ci donne l’impression d’avoir des limites naturelles claires et marquées encore plus ou moins respectées.

2.3 Le système paysager des "points de vue - points de mire".

Rocher Saint-Michel d'Aiguilhe et jardin ouvrier au bord de la Borne
Le site du bassin du Puy-en-Velay a une qualité paysagère singulière. Au-delà du patrimoine religieux et bâti, le véritable trésor de l’agglomération est le système complexe de points de vue – points de mire qui résulte de sa géographie étrange. Il est difficile de trouver un équivalent de ce système paysager dans une autre agglomération française de taille similaire. Il est d’ailleurs étonnant qu’à ce jour peu de discours, de systèmes d’images vantant les qualités de l’agglomération, mettent l’accent sur cette qualité d’expérience extrêmement évidente et exceptionnelle, que chaque habitant reconnaît et vit en partie au quotidien et qui est pourtant la vraie richesse de l’agglomération. Il repose tout d’abord sur une multiplicité naturelle de points hauts, promontoires ou belvédères, qui constituent des points de vue exceptionnels, le plus souvent panoramiques dont une simple liste rend compte de manière explicite : Rocher Corneille, Rocher d’Aiguilhe, Rocher des orgues d’Espaly, Mont Denise, Mont Ronzon, Roche Arnaud, Rocher Polignac, Route belvédère de la plaine de Rome, Côteaux de Ceyssac, Belvédère de la vallée des gorges du Dolaizon, Mont Croustet, Garde de Mons, Garde d’Ours, Roches de Treyssac, Plateau de Chambeyrac, Plateau de Sainte-Marie, Mont Brunelet, Plateau de Lachaud, Garde de Doue, Promontoire de Saint-Quentin… Ces points de vue ont une autre qualité qui complexifie le système d’une manière peu commune. Ils sont tous réversibles. C’est-à-dire qu’ils sont aussi, du fait de la forme en cuvette du site du bassin du Puy-en-Velay, des points de mires remarquables qui ponctuent les larges vues panoramiques qu’offre le système. Un troisième élément vient le complexifier. C’est la présence, dans ces grandes vues panoramiques, de points de mire plus éloignés et à forte dimension symbolique locale : le Mont Mézenc par exemple, visible à la fois de la plaine de Rome, du belvédère en surplomb du Dolaizon, du plateau de Sainte-Marie, de la Denise… ; par exemple encore, le Mont Bar et le Devès, visibles en de nombreux points aussi, participant au jeu des points de vue - points de mire du bassin du Puy-en-Velay en s’associant régulièrement à d’autres points de mire pour former des expériences très spectaculaires. La quantité de points de mire est telle qu’il en résulte une dernière caractéristique qui finit de donner à ce système paysager une complexité inédite : la plupart du temps, ils "s’alignent". On les perçoit en enfilade, avec une forte teneur esthétique et symbolique, parfois de manière très spectaculaire comme par exemple l’alignement trois fois symbolique de Saint-Michel d’Aiguilhe, du rocher de Polignac et du Mont Bar qui se présente depuis le rocher Corneille…

2.3 Un "système de parcs" existants ou potentiels, "réservoir" de nature en ville.

Jardin Henri Vinay en forme de "fer à cheval"
Les techniciens urbanistes de grandes villes américaines au début du 20ème siècle avaient identifié et délimité des espaces de parcs existants ou pouvant devenir des parcs, reliés entre eux par des corridors naturels, préfigurant les corridors écologiques actuels, comme les rivières et leurs végétations spontanées de rives. Ils ont appelé ces réseaux "verts" ou réseaux de "différentes natures" (parcs artificiels, parcs naturels, espaces naturels…) un « système de parcs ». En somme, un parc en fragments disparates, reliés entre eux par des couloirs écologiques. Dans l’agglomération du Puy-en-Velay existe déjà, malgré les évolutions du monde contemporain, un système de parcs de grande qualité qui marque la présence de la nature dans la ville et contribue à l’amélioration à la fois du cadre de vie des habitants et à l’image de marque de l’agglomération. Ils s’organisent selon deux grands axes qui forment deux grands enchaînements d’espaces. Le premier axe s’étend du Jardin Henri Vinay au centre du Puy-en-Velay jusqu’à la plaine de Polignac : Parc Vinay + Rocher Corneille + Bois du Grand Séminaire + Rocher d’Aiguilhe + Jardins autour du rocher d’Aiguilhe + Jardins ouvriers dans le méandre de la Borne + Bords de Borne à la végétation spontanée naturelle + Zones de terrains de sport très artificiels mais néanmoins « espaces verts » + Le pré privé à chevaux en direction d’Espaly + La zone agricole de l’autre côté de la Borne sur le secteur de l’Hermitage (site classé) + La montée sur les orgues d’Espaly et sa végétation de petite montagne naturelle ayant recolonisé un ancien secteur à vignes + La Denise avec sa carrière en attente d’un projet et l’inscription de certaines zones au réseau Natura 2000 + Bois des Seigneurs sur le flanc nord + La connexion à la plaine agricole de Polignac avec ses restes de vergers… Le même type de réseau d’espaces naturels ou de parcs en relation entre eux existe selon un autre axe, le long du Dolaizon, avec moins d’évidence aujourd’hui mais un fort potentiel dans la mesure où le Dolaizon en traversant la ville du Puy-en-Velay a longtemps été considéré comme un arrière urbain sans importance : La confluence de la Loire et de la Borne + La promenade aménagée récemment en zone inondable le long de la Borne + Les prés de Sainte-Marie + La confluence entre le Dolaizon et la Borne + Le cours du Dolaizon canalisé sous le Puy-en-Velay mais bordé de jardins au niveau de Vals + Le cours du Dolaizon remontant dans l’espace naturel et agricole exceptionnel de la vallée et gorges du Dolaizon où l’on peut voir à quelques enjambées du centre du Puy une falaise spectaculaire de plus d’un kilomètre de long… Contrairement à de nombreuses agglomérations françaises, dans lesquelles la présence de la nature n’est pas si probante ou a été tellement freinée et contrainte qu’il n’est pas évident, aujourd’hui, de faire marche arrière, l’agglomération du Puy-en-Velay détient pour son site urbain des atouts d’avenir de première importance. Cf. Marlin C., Miramand V., Baret M., Réflexion sur la mise en cohérence des périmètres de protection sur le bassin du Puy-en-Velay, DREAL Auvergne, 2011.
Place du Breuil avec ses allées plantées

3. MOTIFS PAYSAGERS

3.1 Les bois de pins de boulange.
Au sommet de la Denise, sur le plateau d’Ours et de Mons, dans la vallée du Dolaizon, sur les coteaux du Zouave en surplomb de la Borne, on trouve encore des bois de pins de boulange. Les pins y ont des formes tortueuses et torturées qui en font des "forêts de signes étranges". Ces forêts, explicitement artificielles, sont une particularité de la Haute-Loire. Elles résultent de l’exploitation ancienne et du mode de taille des bois de pins pour alimenter les fours des boulangers.

3.2 Falaises, orgues basaltiques et pans rocheux divers.
Où que l’on soit dans le bassin du Puy-en-Velay, on a affaire aux "roches" : dykes (rocher Corneille, rocher d’Aiguilhe..), tables (Rocher de Polignac), orgues (Espaly), roches diverses (roche de Treyssac, roche Arnaud), jusqu’aux falaises (vallée du Dolaizon)… Cette omniprésence minérale est une particularité de la vie urbaine dans le bassin. Les hommes ont dû composer et composent encore avec elle. Ce motif paysager qui lie étroitement l’installation humaine à la présence de roches ou de reliefs va d’ailleurs bien au-delà du seul espace du bassin du Puy-en-Velay. C’est un motif paysager auvergnat qui ici, du fait de la géographie du bassin, est sur-représenté.

3.3 Les plaines agricoles d’agglomération urbaine.
Se mêle au paysage urbain un ensemble de plaines ou petits plateaux agricoles plus ou moins cernés par le développement construit : la plaine de l’Hermitage au pied des orgues d’Espaly, la plaine de Rome, le petit plateau-verrou du couvent de Sainte-Marie, la plaine de Polignac, le plateau de Mons, le plateau de Chambeyrac et le vallon de Ceyssac… Ces espaces agricoles encore préservés et fortement identifiables constituent un motif paysager singulier dans le territoire de l’agglomération urbaine que beaucoup d’autres agglomérations françaises pourraient envier à l’avenir.

3.4 Le motif du parc urbain.
S’il y a très peu de parcs en tant que tels dans l’agglomération du Puy-en-Velay, un parc, le Parc Vinay suffit à lui seul à rappeler le motif paysager patrimonial urbain du jardin public.

3.5 Les rues et places plantées d’alignements d’arbres.
Deux grandes rues stratégiquement importantes illustrent ce motif encore présent dans l’agglomération. Elles correspondent à deux entrées de ville anciennes : 1. la route entrée de ville qui descend en belvédère depuis le col d’Espaly plantée d’arbres sur plus d’un kilomètre de long ; 2. La route entrée de ville qui relie Vals-près-le-Puy au Parc Vinay dont il ne reste que quelques fragments d’alignements d’arbres.
Enfin, les alignements de platanes du boulevard et de la place du Breuil au bord de la vieille ville constituent un très bon exemple de "l’urbanisme végétal" du 19ème siècle dont l’apogée se situe au moment où de nombreuses villes françaises se sont équipées de préfectures, de théâtres, de grandes places militaires et représentatives, de jardins publics…

4. EXPERIENCES OU ENDROITS SINGULIERS

4.1 Le rocher Saint-Michel et sa chapelle à Aiguilhe.
Depuis les orgues d’Espaly à l’Ouest du Bassin du Puy, la vue qui s’étend en direction du centre du bassin du Puy est peut-être la plus célèbre : en premier plan, la plaine sédimentaire encore agricole d’Espaly, puis le rocher volcanique d’Aiguilhe avec sa chapelle construite à son sommet au Moyen-âge, et le rocher Corneille avec la statue de la Vierge construite au 19ème siècle. La chapelle Saint-Michel d’Aiguilhe, qui a été construite de telle manière qu’il est difficile de la différencier du rocher, est souvent utilisée comme image-symbole du Puy-en-Velay cf. Les grandes composantes des paysages : Le système paysager des "points de vue - points de mire".

4.2 Le site de la forteresse de Polignac.
Le rocher Polignac est une table basaltique. C’est un reste de coulée volcanique qui plus résistant que la roche sédimentaire a été dégagé par l’érosion. Les restes de la célèbre forteresse de la famille Polignac construite sur le rocher surplombent, inaccessibles, les alentours cf. Les grandes composantes des paysages : Le système paysager des "points de vue - points de mire".

4.3 Des entrées d’agglomération en forme de points de vue.
Le développement de l’agglomération en creux de bassin a généré une expérience d’entrées de ville très différente de celles qu’on rencontre ailleurs. C’est une expérience subite de basculement sur une vue urbaine en plongée panoramique. Trois grandes entrées sont de ce genre : le basculement de Blavozy à l’est sur la RN88 (vue sur le plateau-verrou de Sainte-Marie), le basculement des Baraques au sud sur la RN88 (vue générale sur le bassin jusqu’à Polignac et au-delà jusqu’au Mont Bar), le basculement du col entre les orgues d’Espaly et la Denise (vue la plus célèbre du Puy-en-Velay).
Ces expériences actuelles sont dans la droite ligne d’une généalogie ancienne : l’expérience du Montjoie, que faisaient les pèlerins en arrivant sur une étape du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il existe encore un lieu où cette expérience très ancienne peut être revécue précisément : sur l’ancienne route venant du nord-ouest par laquelle on entrait depuis Polignac dans le bassin du Puy (en longeant la face nord de la Denise).

4.4 La "Vierge flottant au-dessus des nuages".
Depuis les différents points de vue haut perchés autour du bassin, on peut apercevoir la statue de la Vierge émerger de la nappe de brume qui le remplit parfois en totalité le matin. Les plus beaux points de vue sur ce phénomène atmosphérique sont le Mont de la Denise, Le Croustet et les bords du Ronzon…

4.5 Vue archétypale de ville ancienne.
Le point de vue du Mont-Ronzon en direction de la ville ancienne du Puy-en-Velay (Rocher Corneille, Hôtel Dieu, Cathédrale, quartier d’habitation du Moyen-âge…) offre une vision archétypale d’une ville du Moyen-âge.

4.6 Le départ des chemins culturels.
Une particularité symbolique du site du bassin du Puy-en-Velay est que l’on peut y faire une expérience du départ. C’est en effet le lieu de démarrage de trois grands chemins itinéraires à forte connotation symbolique : le Chemin de Saint-Jacques, le chemin de Stevenson et la Regordane.

4.7 La route-belvédère de la plaine de Rome.
Une sorte de "promenade" méconnue, une route-belvédère de plus d’un kilomètre de long au bord de la plaine de Rome (route de la Météo et chemin de Hurlevent). C’est une promenade paysagère panoramique, d’une rare qualité, est en plein cœur de l’agglomération et facile d’accès.

4.8 Le marché du Puy-en-Velay alimenté par une agriculture de proximité.
Le marché du Puy-en-Velay a une particularité spatiale qui le différencie de beaucoup d’autres marchés. Comme un élément liquide, il occupe tous les espaces publics de la ville basse (de la place du Martouret jusqu’au marché couvert en passant par la place du Plot et les rues riveraines). Un jour par semaine, il fait le lien entre les trois grandes places de la ville ancienne. Il est une parfaite expression de ce qu’on appelle « un espace public ». Une autre caractéristique renforce cette expression : on y trouve essentiellement des producteurs et des produits venant des alentours. En somme, le marché est l’espace public qui fait le lien avec une agriculture de proximité. Il faudrait comparer ce marché avec d’autres marchés d’agglomérations équivalentes pour en saisir l’importance.

5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER

  • Colonisation par l’habitat des versants du bassin.
    Les versants du bassin du Puy, notamment ceux orientés vers le sud, ont durant longtemps été exploité en vignes ou arbres fruitiers. Le 20ème siècle a vu disparaître la vigne et apparaître leur colonisation par l’habitat. Le côteau ensoleillé sous la plaine de Rome est l’exemple le plus représentatif.
  • Contournement du Puy-en-Velay. >Lien
  • Développement urbain en seconde couronne (Espaly, Chadrac, Polignac…).
  • Le renouvellement urbain en centre historique et en périphérie (Guitard).
    Notamment au travers de l’opération ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine) sur le quartier de Guitard qui a abouti à la destruction de 140 logements (trois tours) et à la construction d’équipements attractifs comme un centre aqua-ludique.
  • L’avenir des « espaces de nature » ou « des espaces agricoles » aux portes de l’agglomération du Puy comme la vallée du Dolaizon (en cours de classement au titre de la politique de protection des sites menée par l’Etat), le vaste espace agricole au pied des orgues d’Espaly (préservé depuis quelques décennies de l’urbanisation par son classement au titre de la politique des sites), la plaine de Rome, le plateau de Chambeyrac ou la plaine de Polignac…

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

>>> Visionnez les photos

Partager la page

Sur le même sujet