5.04 Sologne bourbonnaise
Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant l’itinéraire n°27 des ateliers mobiles des paysages, qui a été effectué le 29/03/2012.
1. SITUATION
Cet ensemble de paysages se situe au nord-est du département de l’Allier sur le vaste plateau qui sépare à l’ouest la vallée de l’Allier (8.01) dont les coteaux de faible amplitude, quarante mètres en moyenne, aux pentes très douces restent très peu lisibles de celle de la Loire bourbonnaise (8.02).
La formation géologique qui fonde les caractères originaux de ce pays déborde largement ses frontières mais l’ensemble de paysages se démarque par une très forte densité boisée, constituée de forêts parfois de grande superficie : la forêt des Mouzières, le bois de la Feuillade, les bois de Leyde, le bois de Chapeau, les bois de Pommay, et enfin la forêt de Munet.
Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 5. Le bocage
Les unités de paysages qui composent cet ensembles : 5.04 A Plateau de Gennetines / 5.04 B Plaine de Chevagnes / 5.04 C Vallée de l’Acolin / 5.04 D Plaine de Thiel / 5.04 E Bois de Leydde / 5.04 F Plaine de St-Gérand-le-Vaux / 5.04 G Coteaux de Trévol / 5.04 H Coteaux de Toulon.
2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES
2.1 Un pays d’eau : multitude de petits cours d’eau et d’étangs.
Le réseau hydrographique très dense sur l’ensemble du territoire, est constitué d’une multitude de petits cours d’eau très sinueux et faiblement encaissés. Une des caractéristiques essentielles de ce type de paysage est l’importante concentration d’étangs due à son substrat argilo-sableux. D’où la dénomination de Sologne Bourbonnaise en rapprochement avec la véritable Sologne. Le sous-sol, le plus souvent imperméable, a permis leur création. Ils sont de superficie et de formes variables et se succèdent en chaîne le long des ruisseaux. Ces étangs abritent, bien souvent, une densité importante d’espèces animales (tortue aquatique, râle d’eau, héron, grèbe à cou noir, canard…), ainsi qu’une flore très variée qui diffère d’un étang à l’autre.2.2 Les mares.
Les mares sont un signe distinctif des paysages de l’Allier. Dans certains secteurs, elles sont présentes en telle densité qu’on peut facilement parler dans ce cas de motif paysager. Une action du Conservatoire des Sites de l’Allier (CSA) porte sur ces mares et leur remise en état compte tenu de leur abandon progressif. Les mares sont des espaces qui échappent à l’idée de "site majeur". Ce sont de petits espaces qui participent de l’environnement ordinaire des habitants. Si elles sont ordinaires, les espèces qu’on y trouve ne le sont pas. Malgré la multiplicité de leurs atouts, en particulier de leur fonction écologique, la culture des mares a été peu à peu abandonnée. Certaines ont été comblées. « Une étude menée en 2000, sur la commune de Bourbon l’Archambault dans le Bocage Bourbonnais (5.01) a permis de mettre en évidence la disparition de près de la moitié des mares communales en l’espace de cinquante ans. » (Source : La lisette, lettre d’information annuelle du Conservatoire des Sites de l’Allier, avril 2011 + mai 2012). Le CSA a demandé aux maires de l’Allier s’ils désiraient conserver et restaurer leurs mares communales. Trente-quatre maires ont répondu favorablement. Des travaux ont été réalisés pour redonner vie à ces sites. Des espèces rares ont pu s’y réinstaller comme le Triton crêté ou le Sonneur à ventre jaune.2.3 Un plateau agro-forestier.
La Sologne Bourbonnaise repose sur un plateau très vaste et faiblement vallonné. Le relief de très faible amplitude (de 240 à 280 mètres d’altitude) n’en reste pas moins un élément déterminant dans l’organisation des différents types d’occupation des sols :- les espaces forestiers sont sur les parties sommitales du plateau où le relief est le moins accusé ;
- les zones agricoles, au contraire, profitent des faibles pentes où le drainage du sol humide devient plus aisé. Le plateau présente des sols constitués de sables et argiles du Bourbonnais, acides et battants (à faibles réserves minérales et organiques). Assainissement et fumure s’avèrent le plus souvent indispensables. De ce fait, il est constitué de prairies et de bois et le mode d’exploitation agricole reste donc essentiellement lié à l’élevage.
2.4 Une plus grande rareté des haies bocagères.
Les prairies sont constituées de grandes parcelles ouvertes. Les haies bocagères sont assez rares et marquent une nette différenciation de l’ensemble de la Sologne Bourbonnaise avec les autres ensembles de paysages de l’Allier où le bocage tient une part importante dans l’organisation comme dans le mode de perception.2.5 « Bouchures » et « trasses ».
Le terme de bouchure est employé pour les haies du bocage bourbonnais. Il se transforme en trasse du côté de la Sologne bourbonnaise. Le terme de trasse vient de tressage.
2.6 L’encadrement des zones agricoles par les forêts.
Les forêts couvrent une surface importante de cet ensemble. De taille et de forme très différentes, elles offrent une grande variété d’ambiances. Les grandes masses boisées, citées précédemment (cf. 1. Situation), découpent l’ensemble du territoire. Elles sont constituées essentiellement de feuillus avec une nette prédominance du chêne. Leur forme très irrégulière offre un linéaire de limites très important qui encadre les zones agricoles. Malgré l’importance des masses boisées, les zones agricoles restent cependant très présentes. Au XIXe siècle, ont été entrepris de grands travaux d’assainissement afin de vaincre l’humidité des terres, les amendements calcaires et les apports d’engrais permettant la production de céréales nobles et le développement des prairies naturelles pour l’élevage des boeufs charolais.2.7 La présence du Val d’Allier et la bande de transition entre la Sologne et le Val d’Allier.
A l’ouest, le long de la vallée de l’Allier, les bois deviennent très rares, laissant place à de grandes parcelles agricoles. Cette bande de deux à trois kilomètres de large, forme un espace transitoire entre la Sologne et la vallée de l’Allier.
2.8 Un pays traditionnellement peu habité dans son centre.
De par le mode d’exploitation et la présence de l’eau, la Sologne Bourbonnaise est très peu habitée. Les exploitations isolées sont en effet plus rares ici que dans le reste de la région. Le groupement le plus répandu est le hameau, de structure très lâche, qui regroupe quatre à six exploitations. Ces hameaux sont bien souvent accompagnés d’un environnement végétal constitué d’arbres et d’arbustes. Les villages, quant à eux, sont assez importants et situés au centre des espaces découverts. Ils ont été implantés aux abords des vallées les plus marquées et près de cours d’eau importants : Neuilly-le-Réal sur la vallée de la Sonnante, Saint-Ennemond sur la vallée de l’Abron, Montbeugny sur la vallée de l’Huzarde…
2.9 Plus on s’approche de Moulins, plus s’annonce la Sologne Bourbonnaise que l’on peut qualifier de "périurbaine".
- Etape 1 : confrontation du système des zones agricoles entourées de forêts et parsemé d’étangs au système de monoculture céréalière.
Le long des routes départementales à l’approche de Moulins par Chezy, Gennetines et Trévol, une succession rapide de situations paysagères indiquent en quelques minutes de parcours la complexification récente de cette partie de territoire, proche de l’agglomération de Moulins, en pleine évolution : le système de prairies d’élevage avec cultures de céréales nobles entourées des bois se juxtapose à de vastes cultures de céréales avec rampe d’arrosage en redescendant dans la plaine alluviale… Des fragments (étang et bocage) correspondent encore à la Sologne Bourbonnaise d’il y a cinquante ans.- Etape 2 : Les composantes d’une campagne périurbaine aux abords de Moulins.
La campagne périurbaine au nord et à l’est d’Yzeure est constituée d’un ensemble d’éléments et de fonctionnements dont l’agencement constitue le nouveau cadre de vie des habitants. On peut en faire une liste non exhaustive : route départementale devenant un axe de circulation quotidien des populations pour leur travail ; zones pavillonnaires greffées sur la route à partir de hameaux déclencheurs ; zones d’infrastructures industrielles le long de la route côtoyant des zones d’habitat (centre d’enfouissement des déchets, zone industrielle…) ; occupation importante des terrains agricoles par les grandes cultures ; augmentation des systèmes de clôtures "artificielles" ; expansion des gros bourgs qui rattrapent leur cimetière ; développement des services de proximité (supermarchés, écoles…) et évolution de l’apparence des centres des bourgs ; présence de signes urbains (du type tour de télécommunication, traitements des routes et abords, aménagements de centre-bourgs sur des modèles urbains)…3. MOTIFS PAYSAGERS
3.1 Les lotissements dans la campagne en prolongement des hameaux.
Le long de la route départementale 779 en direction de Lusigny, depuis Yzeure, un lotissement a été construit, isolé dans la campagne. Un hameau préexistant de quelques maisons a servi de prétexte d’accroche à son installation. C’est un des motifs paysagers des processus actuels d’étalement progressif de la ville sur la campagne.
3.2 Les châteaux.
La Sologne bourbonnaise abrite de nombreux châteaux accompagnés de parcs bien souvent magnifiques :
- château du Riau,
- château d’Aurouer,
- château d’Avrilly,
- château de Mirebeau,
- château des Demorets,
- château de Segange,
- château de la Cour,
- château de Saint-Gérand,
- château de Royer,
- pavillon de chasse d’Henri IV,
- château de Chapeau,
- domaine de la Pierre,
- château de la Fin,
- château de Varenne,
- château des Fougis,
- château d’Orvallée,
- château de Lusigny,
- château des Gouttes,
- château de Saint-Voir,
- château de Pannessière,
- château de Paray-le-Fresil,
- château du Pommay…
4. MOTIFS ET ENDROITS SINGULIERS
4.1 Tapis de Nuphar Lutea : l’étang de Treffoux.
Au bord de la route départementale 164, derrière un rideau de vieux aulnes, l’étang des Treffoux est recouvert en partie d’un tapis de nénuphars en été. L’étang est au milieu des prés pâturés. Il a été inventorié comme ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, faunistique et floristique). Les habitats les plus intéressants sont les gazons amphibies qui sont émergés ou immergés au cours de l’année. La Cistude d’Europe est présente dans l’étang.
4.2 Le Pal : parc de loisirs.
A Dompierre-sur-Besbre, un parc d’attraction animalier a été construit en 1973 sur près de trente-cinq hectares. Cinq cents animaux des cinq continents y évoluent (en semi-liberté) dans leurs milieux naturels reconstitués.
4.3 Vue en plongée douce sur la vallée de l’Allier.
La D481 en direction de Chézy offre une plongée douce et longue vers la vallée de l’Allier. L’agglomération de Moulins apparaît avec en arrière-plan les reliefs au-delà de l’Allier. Au premier plan, des maisons individuelles en cours de construction au milieu de prés clôturés par des barbelés illustrent l’évolution en cours de la campagne périurbaine de Moulins.
4.4 Les grues de l’Allier.
(Sur la D105 en direction de Montbeugny) Au loin, par-delà les champs de grandes cultures, au-dessus de la forêt émergent les grues du site industriel où elles sont construites. Les grues de l’Allier, signalement du monde industriel et du monde du bâtiment, sont visibles de loin comme des signes religieux, des mâts d’éoliennes ou des antennes de télécommunication…
4.5 Parc de sculptures monumentales.
(Sur la D161, en direction de Thionne, au niveau de la Charmille Faisanderie) Une longue allée bordée d’un alignement serré de grands feuillus mène au château des Fougis. Deux sculptures monumentales en métal fondu dans la masse, représentant deux personnages armés d’une épée, ont été installées à l’entrée de l’allée. Elles annoncent le parc de sculptures monumentales et de land-art de la fondation personnelle du château. Un peu plus loin, les sculptures dans le parc sont très visibles depuis la route.
4.6 Le plan d’eau de Chapeau.
La route qui relie le bourg au château borde le plan d’eau communal de Chapeau. Ce dernier a une superficie plus importante que le bourg. Il a vocation de base de loisirs. Les berges sont très dégagées. Peu de végétation de rive. Quelques arbres un peu en retrait font de l’ombre. Des pelouses entretenues accueillent les visiteurs. Sur les rives, du côté du bourg, ont été aménagés les terrains de sport communaux. Une petite station d’épuration a été construite dans l’alignement, bordée sur un côté seulement d’une haie de thuyas et d’un chêne. L’ensemble des aménagements autour du plan d’eau relève plus d’un modèle de complexe sportif et de parc public que d’un étang de campagne dédié à la pêche.
5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER
- Campagne remembrée de périphérie de ville.
En sortant d’Yzeure, sur la route départementale 779 en direction de Lusigny, un grillage "urbain" a été installé entre la zone de stationnement le long de la route départementale et le pré où pâturent des moutons. Les haies ont disparu. Dans le pré aussi. Quelques chênes alignés rappellent d’anciennes limites. Les grands champs sont le résultat du remembrement dans les zones périphériques de Moulins. Un peu plus loin, par-dessus les arbres, une tour de télécommunications. Bien que l’on soit encore "à la campagne", tous les éléments confirment le lieu de basculement du territoire dans un univers routier et périurbain.
- Les bourgs en expansion : l’exemple représentatif de Lusigny.
Les communes autour de Moulins subissent une forte pression d’urbanisation. Les terrains sont relativement bon marché et la proximité de l’agglomération en fait un lieu d’installation privilégiée un peu à l’écart de l’univers urbain. Lusigny est un bourg en expansion comme beaucoup d’autres. A une dizaine de kilomètres de l’agglomération de Moulins, c’est un cas typique et représentatif de développement périurbain actuel. On peut le prendre pour exemple de ce qui se passe ailleurs.
Volet 1 : lotissements. Des lotissements pavillonnaires se construisent d’une part le long des routes en étoile qui se rejoignent au centre du bourg et d’autre part le long de la route départementale qui le dessert. Une zone a été aménagée en "lotissement industriel" (rapport de proximité important entre la zone d’activité et le lotissement) à un kilomètre du centre. Un lotissement pavillonnaire d’une quarantaine de maisons a été construit entre le bourg et la zone d’activité, au niveau du cimetière. Si les cimetières ont été rejetés hors des bourgs au 19ème siècle, celui de Lusigny change de position compte tenu de ces extensions urbaines. Il "revient" à l’intérieur des zones habitées. La position du cimetière peut être considérée comme un indicateur de développement urbain pour ces bourgs.
L’apport de population a des conséquences sur l’apparence du bourg. Les services sont maintenus et développés. Une "petite surface" rénovée, la place de l’église réaménagée, des capteurs solaires installés sur les toits de l’école, sont autant de signes de vitalité et d’investissements locaux.
Volet 2 : aménagements paysagers. Un panneau près de l’église indique la teneur des travaux à venir : « Aménagement de la rue et place du Commerce, de la route 405 et des liaisons piétonnes ». Un plan présente l’importance de l’aménagement d’un parking et des trottoirs.
Volet 3 : élargissements de voirie. A l’entrée de Lusigny, en provenance du lotissement industriel sur la route départementale 405, la voirie a été élargie au niveau du nouveau lotissement pavillonnaire. L’élargissement s’étend jusqu’au panneau d’entrée du bourg. La route, entre le lotissement industriel et le lotissement d’habitation, a encore une apparence de route de campagne. Les haies agricoles ont été plus ou moins maintenues des deux côtés avec quelques grands chênes. Cette apparence change dès l’entrée de bourg. La voirie a été réalisée sur un modèle urbain (lampadaires, gabarits avec trottoirs et bordures, bas côtés herbus jusqu’aux murs de clôture des pavillons…). Elle contribue à donner une image "d’entrée de ville" pour le bourg en expansion.
- Les bourgs en expansion : l’exemple de Montbeugny.
Comme Lusigny, le Bourg de Montbeugny est bien situé à quelques kilomètres d’Yzeure, au bord de la ligne de chemin de fer et de la RCEA (Route Centre-Europe Atlantique), près du futur projet local de plateforme logistique. Le bourg est en expansion.
Une zone pavillonnaire d’une trentaine de logements a été construite très récemment dans le prolongement du bourg face au terrain de foot. Une partie de la zone en maisons jumelles est une opération HLM. Les voiries sont largement dimensionnées, le mobilier est urbain, les plantations de voirie sont protégées des mauvaises herbes et de l’évaporation par des bâches plastiques de couleur verte, les toitures sont en tuile et des murets surmontés de grillages cernent les jardins autour des maisons. La zone pavillonnaire est un motif paysager à l’état pur. Le clocher du bourg, à deux cents mètres à vol d’oiseau, est visible depuis la zone.
6. VERSION IMPRIMABLE
7. PHOTOTHEQUE
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