4.02 Plateaux du Forez

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant l’itinéraire n°06 des ateliers mobiles des paysages qui a été effectué le 22/06/2011.

1. SITUATION

Ils s’élèvent au-dessus de la plaine que forme la Loire autour de Bas-en-Basset qui les isole de leur pendant à l’est, les plateaux du Velay. Cet ensemble est interrompu brutalement au sud par les gorges de la Loire et un autre bassin : celui de l’Emblavez. Les plateaux du Forez apparaissent comme des îles plates au relief apaisé. Les longues lignes droites de leurs routes nous donnent parfois à découvrir, à la sortie de quelque boisement de résineux, des vues lointaines sur le Meygal et sur l’Emblavez.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 4. Les campagnes d’altitude

Les unités de paysages qui composent cet ensemble : 4.02 A Plateau de Craponne / 4.02 B Plateau de Bellevue-la-Montagne / 4.02 C Plateau de St-Pierre-du-Champ / 4.02 D Plateau de St-Pal-en-Chalencon / 4.02 E Plateau de Valprivas / 4.02 F Côtes d’Aurec / 4.02 G Bassin de Viverols et Sauvessanges.

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Une organisation spatiale rayonnant autour de la ville de Craponne.

Centre de Craponne-sur-Arzon en cours de réaménagement
Le chef-lieu de canton, Craponne-sur-Arzon, occupe une légère dépression du plateau et joue un rôle central très perceptible. Les axes de communication partent de ce pôle pour desservir chaque « village satellite » souvent inscrit contre une dépression en tête de bassin (alvéole granitique). La ville de Craponne a toujours été le centre administratif et commercial de ce pays de passage obligé entre le Velay et le Forez.

2.2 Tout est bon à cultiver !

Plateau de Saint-Georges-Lagricol
Le territoire des plateaux du Forez, à mille mètres d’altitude, présente un sol ingrat et un climat rude. Il s’y est développé une polyculture traditionnellement vivrière et diversifiée qui a traversé les siècles. Le paysage qui en résulte aujourd’hui est encore rural. L’ambiance générale est celle d’un territoire travaillé par ses habitants. Aujourd’hui, s’y côtoient l’élevage (laitier en majorité) et ses maigres pâturages, quelques céréales dont le « seiglou », les champs de pommes de terre (culture traditionnelle et très ancienne que l’on appelait jadis « la truffe ») et la production de quelques petits fruits sous serre.

2.3 Des signes de ruralité : un discret maillage bocager.

A proximité de Saint-Jean-d'Aubrigoux
A proximité de certains villages, un réseau de haies et murets quadrille des petites parcelles. En limites de parcelles, on voit fréquemment des frênes, des sorbiers, des érables, des sureaux, des merisiers, des pins et des genêts. Le maillage bocager n’est cependant pas réellement développé sur le plateau. Il y revêt un caractère ponctuel.

2.4 Des signes de ruralité : les tertres.

A proximité de Saint-Pierre-du-Champ
Sur les pentes, on distingue encore la présence de tertres : ressauts entre les parcelles agricoles, marqués par une végétation buissonnante. Formés au cours des siècles par les labours ayant entraîné la terre vers le bas, ils concourent avec les haies, murets et recoins inexploités à ménager des refuges naturels.

2.5 Les "fractures" profondes : les gorges boisées.

Au-dessus de l'Ance, le village de Chalencon
Occupées par des rivières vives, l’Arzon, l’Ance, l’Andrable et quelques autres de dimensions plus réduites, les nombreuses gorges des plateaux du Forez sont la plupart recouvertes de forêts. Ces boisements constituent de « grandes plaques forestières » très perceptibles épousant les longs versants des vallées et marquant les fractures géologiques des gorges. Ils sont constitués principalement d’un mélange de chênes et de pins. Des plantations résineuses d’épicéas et de douglas se détachent dans le paysage.

2.6 Le passé des gorges, ce qu’il en reste et l’importance écologique de ces fragments.
Les pentes les mieux exposées et les plus praticables étaient couvertes de terrasses où des cultures diverses étaient menées : vergers, vignes et autres. La toponymie évoque ce passé fruitier et viticole. Ponctuellement des traces sont visibles sur le territoire (Valprivas, Saint-André-de-Chalencon,…). Certains secteurs ont été conservés (Tiranges /vallée de l’Ance).
D’autres terrains, moins bien exposés, servaient de terrains de parcours pour les moutons. Premiers à avoir été abandonnés, enfrichés ou boisés, certains d’entre eux ont été maintenus et apportent une grande diversité à la fois paysagère et écologique dans les gorges (certaines de ces landes sont plus ou moins en équilibre car le sol est trop mince pour permettre à la forêt de s’installer. Ce sont les landes à genêt purgatif).
Dans les secteurs rocheux et abrupts, l’enfrichement conduit à diversifier considérablement les milieux naturels : colonisation progressive reproduisant les stades de la succession végétale. Un très grand nombre de milieux transitoires y sont représentés, depuis le groupement pionnier de lichens sur la roche à nu jusqu’aux stades pré-forestiers et forestiers.

2.7 La conquête des rebords des plateaux, intersection avec l’univers des vallées et des gorges.
Si l’organisation spatiale générale des plateaux se fait schématiquement autour de Craponne par rayonnement, une autre forme d’implantation indique l’importance qu’ont pu avoir, par le passé, les situations variées d’interface, ou d’intersection entre l’univers du plateau et celui des gorges qui les traversent ou qui les bordent. La conquête de ces "bords" a été aussi stratégique en termes de contrôle militaire du territoire qu’en termes de pratique paysagère transitoire entre le plateau et les pentes : site du château de Rochebaron (sur la vallée de la Loire), site de Chalencon en promontoire sur la vallée de l’Ance, site de La Roche en Régnier sur les gorges de la Loire faisant face aux premiers sucs du Meygal dominant l’Emblavez… Les trois sites sont d’ailleurs des sites protégés dans le cadre de la politique des Sites de l’Etat (site classé pour le premier, sites inscrits pour les deux autres).

3. MOTIFS PAYSAGERS

Ce qui fait motif de paysage sur l’ensemble paysager des plateaux du Forez, ce sont surtout les formes que peut prendre ponctuellement la présence des arbres. Elles ressortent clairement sur ce territoire d’agriculture relativement diversifiée et accentuent ce caractère. Certaines posent question comme par exemple : quel avenir pour les bois de boulange dans la mesure où ils ne sont plus exploités pour ce qui les a créé ? Comment contrôler les boisements en "timbre poste" très visibles ?

3.1 Les pins de boulange.
Par endroit, on note des silhouettes de pins très particulières. Jadis, ils étaient coupés à deux mètres de hauteur, entraînant le développement des branches basses et donnant un port torturé aux arbres. Ces pins sont appelés pins de boulange. Leur bois servait à alimenter les fours des boulangers. C’est une forme qui résulte d’une pratique "endémique" de Haute-Loire. Même si ce mode de traitement n’est plus usité, sa trace demeure dans les formes végétales de certains territoires comme sur les plateaux du Forez.

3.2 Les boisements en forme de "timbre-poste".
Epicéas, pins sylvestre, douglas… les petits bois aux contours géométriques disséminés sur le territoire, sans logique apparente, se retrouvent parfois dans les fonds humides ou sur les hauteurs ceinturant les alvéoles granitiques (légères dépressions en cuvettes créées par l’érosion caractéristique des substrats granitiques), généralement établis sur des affleurements rocheux ou des zones où le sol est trop mince. Ils ont une extension très variable : de quelques parcelles à de véritables bandes. Leur forme et isolement les rend la plupart du temps très visibles.

3.3 L’agencement entre blocs de granite, genêts et pins sylvestres.
Des blocs de granite sont disséminés dans les prés et les champs. Souvent bordés de genêts, signalés par un ou deux pins sylvestres, ces petits espaces accordés à la nature laissent entendre que l’agriculture n’est pas facile ici et qu’il faut composer avec ce que l’on a.

4. EXPERIENCES ET ENDROITS SINGULIERS

4.1 Les vues lointaines et plongeantes depuis les rebords des plateaux.
Les limites géomorphologiques de cet ensemble de paysages, très marquées (rebords des plateaux sur différentes vallées dont celle de la Loire), ainsi que les fractures nettes que créent les gorges qui le traversent, ont généré un ensemble important d’endroits, promontoires plus ou moins célèbres ou secrets, proches des bourgs ou perdus, depuis lesquels on fait une expérience de vues lointaines et spectaculaires. Si peu de gorges sont accessibles aisément aujourd’hui, si même certains endroits portent des noms suggestifs qui indiquent le rapport ambigu que les habitants ont eu avec eux par le passé (pont du Diable dans la gorge étroite au pied de Chalancon par exemple), on peut cependant les apprécier à distance depuis ces multiples points de vue.

4.2 Le bourg-promontoire de Chalencon.
« Mis à part les problèmes posés par la présence peut-être peu accueillante des installations hydrauliques de l’EDF dans la vallée de l’Ance, l’approche du site par l’éperon sur lequel est installé le village et le château de Chalencon est exemplaire d’un site protégé qui a su profiter de cette protection sans la subir. Les habitants ont pris en main l’apparence du bourg entre autre par du jardinage et une gestion douce et différenciée de la présence du végétal dans leur environnement quotidien. Il résulte du niveau de pression inhabituellement "doux" sur le milieu et très perceptible pour le visiteur un caractère très accueillant qui reflète notamment le climat social qui y règne. Le bourg joue intégralement son rôle d’entrée, de seuil de site et de mise en valeur de l’expérience que l’on peut en faire. » (extrait de Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département de la Haute-Loire, Diren Auvergne, septembre 2008)

4.3 L’arboretum de Saint-Georges-Lagricol.
A Saint-Georges-Lagricol, l’arboretum est l’héritage d’une ancienne pépinière pédagogique de techniques forestières qui avait pour vocation de montrer comment les espèces se comportent à mille mètres d’altitude sur des parcelles de cinq mètres sur cinq avec vingt à vingt cinq sujets, sans entretien. Au début, il était dédié aux professionnels de la forêt, à des exploitants, à des propriétaires et à des élèves d’école. Aujourd’hui, cet arboretum a ouvert ses portes au public avec l’appui technique du Parc Naturel Régional du Livradois-Forez. La commune s’est chargée de la réalisation des aménagements d’accueil par le biais d’une entreprise d’insertion. Ce site est une proposition complémentaire à l’offre touristique locale (abbaye…).

4.4 L’hippodrome de Jullianges.
La présence mystérieuse d’un hippodrome en pleine campagne, au village de Jullianges, est surprenante. C’est à l’origine un agriculteur passionné de courses hippiques qui a acheté des terres sous le village et aménagé une piste de course de chevaux. Les rendez-vous hippiques ont lieu trois fois dans l’été et rassemblent de nombreux cavaliers venus de Saint-Etienne et de Lyon.

4.5 Le séquoia de la RD1.
Avant d’arriver à Chomelix depuis Craponne, une toute petite maison est construite sur le bord de la route départementale n°1 au milieu d’un champ. Elle ressemble à une maison de garde-barrière. Ce qui interpelle, c’est le magnifique et gigantesque séquoia au milieu de la cour. Quiconque passe devant le "géant" aimerait connaître l’histoire de cette maison et de cet arbre. Il fait parti d’une forme de patrimoine arboricole de la région.

4.6 La table de la Madeleine à Beauzac.
Ma Madeleine est un grand plateau volcanique près de Beauzac et Retournac duquel on peut avoir une vaste vue panoramique sur la vallée de la Loire et les sucs du Meygal.

5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER

  • La modernisation des exploitations forestières.
  • Le développement de la filière bois-énergie.
    A Craponne-sur-Arzon par exemple, une fabrique de granulés a été mise en place.
  • Des développements urbains autour des villages.
  • L’arrivée saisonnière de main d’œuvre pour le ramassage des petits fruits.
    Sur le plateau de Craponne, la culture des petits fruits (fraises, framboises, cassis…) est organisée autour d’un groupement d’exploitants soutenus par la chambre d’agriculture. Ce sont les « perles rouges du Velay » qui rappellent la relation entre les deux systèmes de plateaux séparés par la Loire : plateaux du Forez et plateaux du Velay. Le développement de la culture sous serres depuis une dizaine d’années évolue vers de la culture de fraises hors-sol et est accompagnée de constructions de logements pour la main d’œuvre saisonnière, souvent étrangère. Les municipalités et les agriculteurs restaurent des bâtiments en gîte pour les ouvriers.
  • Le maintien de la culture de la pomme de terre.
    Sur le plateau granitique de Craponne-sur-Arzon, la pomme de terre est cultivée depuis le XVIème siècle. Jusqu’aux années 1960, Craponne est la capitale régionale de la pomme de terre. La fête annuelle du nom de Trifola contribue au maintien de cette culture locale.

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

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