3.03 Pays coupés d’Artense, de Sumène et de Xaintrie

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant les itinéraires n°12 et n°13 des ateliers mobiles des paysages qui se sont tenus les 28/09/2011 et 29/09/2011.

1. SITUATION

Pays coupés par une multitude de rivières, toutes affluentes de la vallée (coulant grosso-modo d’est en ouest) de la Dordogne, cet ensemble de paysages présente une succession de vallées, collines et plateaux bordant les franges ouest des Hautes-terres des départements du Cantal et du Puy-de-Dôme et allant des Gorges de la Dordogne (9.07), au nord, aux Gorges de la Cère (9.06) et au Bassin d’Aurillac (7.03) au sud.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 3. Les coteaux et pays coupés

Les unités de paysages qui composent cet ensemble : 3.03 A Plateau de Mauriac / 3.03 B Collines de Pleaux / 3.03 C Plateau d’Allé / 3.03 D Collines de Saint Cernin et Saint Illide / 3.03 E Collines de Saint Santin-Cantalès / 3.03 F Bassin de Ydes et Saignes / 3.03 G Plateau de Champagnac / 3.03 H Vallons de Saint Etienne-du-Chomeil / 3.03 I Plateau du Monteil / 3.03 J Plateau de la Tarentaine / 3.03 K Plateau de Lanobre / 3.03 L Plateau de Larrode / 3.03 M Plateau de Tauves.

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Des pays coupés par des rivières et leurs gorges.

Entre Saint-Illide et Ayrens
Toutes les rivières qui découpent ces pays selon, grosso-modo, un axe est-ouest sont des affluents de la Dordogne. Profondément encaissées et boisées, les vallées qui entaillent les plateaux sont inaccessibles et ont conservé un aspect sauvage qui contraste avec les paysages agricoles des plateaux. Le contraste entre les vallées intégralement boisées, dépourvues de toute occupation humaine, et les plateaux, mis en valeur par l’agriculture et sur lesquels l’habitat a été implanté, est très net. Du nord au sud, sur une distance à vol d’oiseau de soixante-dix kilomètres, pas moins d’une quinzaine de cours d’eau, formant des gorges pour la plupart, découpent l’ensemble de paysages en fragments difficilement connectés. Les basculements fréquents d’une situation de plateau à celle de gorge, les apparitions et disparitions qui les accompagnent, sont une expérience caractéristique de ces territoires dits coupés. Ces cours d’eau sont :
  • La Mortagne (affluent de la Dordogne) / Artense
  • La Burande (affluent de la Dordogne) / Artense
  • La Panouille (affluent de la Dordogne) / Artense
  • La Tialle (affluent de la Panouille) / Artense
  • La Tarentaine (affluent de la Rhue) / Artense
  • La Rhue (affluent de la Dordogne) / Artense
  • La Sumène (affluent de la Dordogne) / Sumène
  • Le Marilhou (affluent de la Sumène) / Sumène
  • La basse vallée du Mars (affluent de la Sumène) / Sumène
  • Le Labiou (affluent de la Dordogne) / Sumène
  • L’Auze et ses affluents (affluent de la Dordogne) / Xaintrie
  • Le ruisseau d’Encon (affluent de la Maronne) / Xaintrie
  • La Maronne (affluent de la Dordogne) / Xaintrie
  • La Bertrande (affluent de la Maronne) / Xaintrie
  • L’Eize (affluent de la Maronne) / Xaintrie

2.2 Un ensemble "corridor écologique".

Vue sur les pays coupés et le massif du Sancy au loin depuis le plateau de Trizac
Cet ensemble de paysages, bien que non inclus dans le périmètre du Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne (la limite du Parc est la limite est de l’ensemble), est d’une grande importance écologique dans la mesure où les cours d’eau relativement préservés de l’activité humaine par des gorges profondes, forestières et à l’abri des regards, facilitent les transits faunistiques de la vallée de la Dordogne aux massifs du Cantal, du Sancy et du Cézallier… L’exemple de la progression de la loutre, mise à jour par les naturalistes, de la vallée du Chavanon (au nord de l’ensemble de paysages, au-delà de la Dordogne) vers le Cézallier en empruntant les gorges de la Rhue et un de ses affluents, la Santoire, est éloquent. Dans les années 1930, 4000 loutres étaient tuées par an. Elles ont progressivement disparu pour finalement être protégées depuis 1972. Seulement un signalement ou deux étaient alors faits en France par an. Aujourd’hui, douze loutres ont été écrasées en une année sur la route nationale 122 dans le département du Cantal. A l’époque, un noyau de population s’était maintenu en amont du Chavanon dans la Creuse. La première épreinte de loutre a été observée dans les gorges du Chavanon en 1964. En un an, la loutre avait progressé de dix kilomètres vers l’aval. Puis elle a été bloquée par le barrage de Bort-les-Orgues. Elle a ensuite remonté la Rhue puis un affluent de la Rhue, la Santoire. Elle a ensuite fait la connexion avec la vallée de l’Alagnon en empruntant les "trous d’eau" à batraciens, les lacs et les zones humides des montagnes du Cézallier. De là, elle a atteint l’Allier. Le Chavanon, la Rhue, la Santoire, comme les terres humides du Cézallier, ont servi de corridor écologique. Un corridor écologique sert à faire le lien entre deux cœurs de nature, deux milieux propices au développement des espèces qui l’empruntent. La forme de ces liens, dans le cas du déplacement de la loutre, est très instructive sur la nature d’un tel corridor. Il faut qu’ils soient relativement peu visibles. Les sites choisis par la loutre sont ceux où elle a pu passer relativement inaperçue, comme le fugitif du livre de Christian Bouchardy qui remonte le même corridor pour échapper aux hommes qui le poursuivent. Le Chavanon ne présente pas un caractère très grandiose. Il est relativement à l’écart. C’est une « petite sauvagerie ». Les zones humides, les trous à grenouilles ou mares du Cézallier, qui offraient à la loutre un grand choix de nourriture, sont des paysages très ordinaires qui, d’une certaine manière, "n’existent pas" pour quiconque ne les habite pas. Pour fonctionner au mieux, un corridor écologique doit échapper le plus possible à la pression des regards. Favoriser la présence de ces paysages ordinaires comme les réseaux de mares et de zones humides est très efficace en termes de flux écologiques. (cf. Lemarchand C., Bouchardy C., La Loutre d’Europe, histoire d’une sauvegarde, Catiche Production, 2011)

2.3 Vues spectaculaires et omniprésentes sur les paysages voisins.

En direction de Saint-Cernin, vue sur les vallées du Massif du Cantal
Les paysages agricoles des pays coupés relèvent de paysages ordinaires de campagne ayant la particularité d’être à une altitude relativement élevée (entre six cents et huit cents mètres). Ce qui y est marquant, ce sont les vues spectaculaires que l’on peut avoir des grands ensembles adjacents, la vallée de la Dordogne d’un côté et les massifs montagneux du Cantal et du Sancy de l’autre. Les pays coupés ne sont ni la vallée imposante de la Dordogne, ni ces massifs montagneux non moins imposants, à tel point omniprésents que chacune de leurs apparitions spectaculaires rappelle les limites de l’ensemble. Cette omniprésence fait prendre conscience de la singularité territoriale des pays coupés qui sont foncièrement des espaces de transition dans lesquels s’estompent les ensembles qui les bordent.

2.4 Trois formes de transition avec les massifs montagneux.

  1. Transition marquée par des signes : l’apparition de vacheries et d’alignements de frênes et de hêtres.
    Une vacherie est une construction d’altitude en pierres un peu plus grande qu’un buron. Quand on en découvre, les bosquets de chênes, châtaigniers et pins, les cultures de la Xaintrie ont disparu au profit des prairies. Les arbres sont des arbres isolés. La vue s’ouvre en panorama sur les monts du Cantal. Au bord des routes apparaissent des alignements de hêtres mélangés avec des frênes, motif paysager qui signale l’entrée dans un pays de montagnes.
    Vacherie, après Freix-Anglards en direction de Saint-Cernin
  2. Transition marquée par un site naturel et les voies de communication : le site de la cascade de Salins.
    La cascade de Salins est un site très prisé. Il est facile d’accès. Il suffit de marcher quelques dizaines de mètres à partir de la route départementale 922 pour accéder au pied de la cascade. Le saut de l’Auze fait une trentaine de mètres de hauteur sur un affleurement basaltique. Le cours d’eau quitte la planèze de Salers pour s’engager dans une vallée qui rejoint la Dordogne à vingt kilomètres à l’ouest. La particularité du site est l’agencement singulier entre ce saut naturel et la présence de la route, doublée de la voie ferrée construite sur un viaduc. Cet agencement singulier marque clairement la transition entre les ensembles de paysages du Massif du Cantal et des Pays coupés.
  3. Transition identifiée par un changement d’ambiance végétale : les limites de la Xaintrie et le châtaignier.
    La vallée de l’Auze est la limite naturelle de la Xaintrie. La fin de la coulée de lave marque l’entrée dans la Xaintrie. La végétation change avec la nature du sol. Les terrains sont acides et d’origine métamorphique. C’est un pays à châtaigniers. Les pins apparaissent. L’assemblage pins/bouleaux y est typique. Les cultures aussi apparaissent (maïs) favorisées par une altitude plus basse (650 mètres en moyenne environ). Les pierres de construction ne sont plus en basalte. La ressemblance de la Xaintrie avec l’ensemble voisin de la Châtaigneraie cantalienne (4.06) n’est pas que visuelle ou liée à une ambiance, mais a eu, par le passé, une dimension sociologique puisque des échanges de main d’oeuvre s’opéraient en fonction des tâches saisonnières entre ces deux parties de territoires.

2.5 Les paradoxes d’un territoire de marges.

Ancienne voie ferrée à Parieu-Bas
Par son éloignement des grands axes de communication, cet ensemble de paysages diffère grandement des autres Pays coupés de l’Auvergne : les Pays coupés des volcans (3.01) et ceux du Livradois (3.02). Contrairement à ces derniers, il n’est pas facilement accessible et peut être considéré comme "un territoire de marges" avec toutes les singularités de développement et de non développement que cela a pu et peut induire aujourd’hui. Les territoires de marges sont nombreux en Auvergne. Plus ou moins enclavés, plus ou moins dynamiques et habités, ils sont à observer notamment au travers de certains paradoxes de leur évolution. L’enclavement, les baisses d’activité qui mènent à l’abandon certaines parties de territoire comme c’est le cas dans la partie Artense ou pour le secteur industriel de la mine vers Ydes, ont eu et ont pour conséquences des réactions et des comportements d’aménagement parfois excessifs qui prennent le contrepied de ces états de fait et tendent à vouloir rendre compte d’évolutions inverses. L’impression d’étrangeté produite par l’abandon de certains territoires (prairies reprises par les genêts ou replantées de forêts, maisons à vendre, lignes de chemin de fer désaffectées, sites industriels…) est contrecarrée par les travaux récents d’aménagement autour de l’axe routier qui traverse l’ensemble, la route départementale 922.

2.6 Le paysage en évolution le long de la route départementale 922.

Aménagement d'une zone commerciale à l'entrée de Mauriac
Un observatoire photographique serait utile pour apprécier les transformations qui s’opèrent le long de cette route et aux alentours, d’Aurillac à Bort-les-Orgues. Dans le sud de l’ensemble de paysages, l’influence d’Aurillac et le désir des communes d’urbaniser leur image par un développement à tout prix génèrent un "paysage en mouvement" de travaux d’aménagements de routes à vocation à la fois sécuritaire et d’accueil des nouveaux habitants de lotissements fraichement construits, de zones commerciales ou de zones d’activités… (cf. Exemples de projets locaux : Saint-Illide, exemple de développement actuel).

2.7 L’originalité du plateau de Champagnac : agriculture relativement intensive et passé minier.
Le plateau de Champagnac constitue la partie nord-ouest des pays de Sumène. En forme de triangle, il est limité sur deux de ses côtés par des frontières naturelles, qui correspondent à des vallées encaissées (Dordogne et Sumène). Géologiquement, le plateau de Champagnac correspond à une zone d’affleurement des roches anciennes du socle (gneiss et granite). Présentant de faibles contraintes et une relative fertilité, il fait l’objet d’une mise en valeur agricole qu’on peut qualifier, toute proportion gardée, de relativement intensive. Le réseau bocager se caractérise par son maillage très lâche et souvent incomplet, en particulier dans sa partie nord. Les parcelles, de grande taille, sont vouées aux prairies et à la culture du maïs ou du blé. Les forêts subsistent de façon relictuelle, leur présence se limite aux versants des vallées encaissées (Dordogne, Sumène), qu’elles couvrent intégralement et aux puys qui ponctuent la surface du plateau. Les sites industriels miniers liés à l’extraction du charbon et de l’uranium (site de Saint-Pierre) marquent encore les paysages de ce plateau.

2.8 L’ancien bassin minier de Ydes.
Le bassin de Ydes apparaît dans le paysage comme une dépression topographique en forme d’amande, dominée de part et d’autre par des plateaux (dénivelés pouvant atteindre trois cents mètres).
Il atteint, dans sa plus grande largeur, environ trois kilomètres, pour huit kilomètres de longueur. Il se situe dans une zone de transition géologique. Les formations volcaniques issues du massif cantalien trouvent ici leur terminaison occidentale et cèdent la place aux roches cristallines du socle. Entre les deux s’intercale le sillon houiller, sur lequel vient s’appuyer un jeu de failles.
L’extraction du charbon a constitué une des spécificités du secteur. Les niveaux houillers ont en effet été exploités par de petites mais nombreuses mines, groupées autour d’Ydes et de Vendes.
Si l’activité d’extraction du charbon proprement dite ne marque aujourd’hui les paysages que de façon très marginale, elle est par contre à l’origine d’un bâti à caractère industriel bien spécifique, qui s’oppose au bâti rural des secteurs environnants. Malgré l’interruption de l’extraction du charbon, les paysages ont conservé leur caractère industriel, d’autres industries ayant pris le relais (usines Lapeyre à Ydes).

Usines "Lapeyre" de Ydes

2.9 Ancienne ville minière.

Ancienne ville minière de Ydes
Ydes est une ancienne petite ville minière, constituée des maisons construites pour les ouvriers de la mine de charbon. L’agencement du bâti s’organisait selon une logique hiérarchique : les ouvriers occupaient les maisons en position basse et les ingénieurs celles construites à flanc de coteaux de manière à dominer le carreau de la mine. La mine est aujourd’hui abandonnée. L’ancienne voie ferrée a été démontée et son emprise a été reconvertie en piste cyclable. Une maison ouvrière, à l’angle d’un carrefour, a été récemment détruite pour ménager un espace de parking vers le centre du bourg. L’argument sécuritaire de visibilité routière induit l’effacement progressif des signes et de la mémoire de l’activité passée.

2.10 Le barrage d’Enchanet et le complexe hydro-électrique de Lastioulles et Crégut.

Barrage d'Enchanet
L’ensemble de paysages des Pays coupés de l’Artense, la Sumène et la Xaintrie se trouve au centre du plus grand complexe hydro-électrique (à cheval sur l’Auvergne et le Limousin). Le Cantal est autonome en énergie électrique. Une grande quantité de barrages a été construite au cours du programme énergétique des années trente et quarante pour pallier le déficit saisonnier de production des barrages de montagnes des Alpes et des Pyrénées. Une grande partie des grands barrages a été construite dans le département du Cantal : Barrages de l’Aigle, de Marèges et de Bort-les-Orgues sur la Dordogne ; barrage d’Enchanet sur la Maronne ; barrage d’Enchanet à Saint-Etienne-Cantalès sur la Cère ; barrages de Grandval et de Lanau sur la Truyère. De très vastes plans d’eau sont nés de ces travaux, bouleversant les milieux naturels existants, transformant des paysages de vallées profondes et encaissées en vastes lacs qui sont désormais soumis à la réglementation de la Loi littoral pour certains (Granval, Bort-les-Orgues). Les problématiques d’aménagement de ces espaces récents s’apparentent aujourd’hui à celles des lacs d’Auvergne, principalement d’exploitation touristique. S’ils ont été jusqu’à présent préservés d’aménagements touristiques lourds, la tentation des promoteurs d’utiliser un "front de lac" au foncier plus accessible est malgré tout présente. Cette tentation nécessitera une grande vigilance sur ces projets qui devront rester mesurés et discrets. Par ailleurs, le fonctionnement hydro-électrique de ces retenues situées en amont des bassins versants en font des réserves d’eau – et donc d’électricité facilement mobilisable – très importantes. Ce fonctionnement lié au marché du kilowatt/heure entraîne des variations saisonnières importantes du niveau des retenues et des marnages qui peuvent parfois atteindre des valeurs importantes (jusqu’à 20 m). Ces contraintes techniques ainsi que la morphologie en gorges rendent les aménagements touristiques délicats et les éventuelles plages bien rares. La présence des barrages s’accompagne d’un arsenal de constructions plus ou moins visibles qui occupent une partie importante du territoire et constituent un paysage spécifique de l’énergie : systèmes hydrauliques de canalisations parfois complexes ; postes de relai plus ou moins importants ; autoroutes de lignes à haute-tension… Dans l’ensemble de paysages des Pays coupés, deux barrages ont été réalisés :
  1. La construction du barrage d’Enchanet en Xaintrie a généré la naissance d’un lac d’une quinzaine de kilomètres dans les méandres de la rivière. Non loin du barrage d’Enchanet, la lande d’Enchanet est le nom d’un site protégé par l’Etat au titre de la politique des sites. Une ligne de transport de l’électricité la traverse. La lande était un lieu de pèlerinage. Une procession la traversait. Elle partait de l’église d’Enchanet, rejoignait la croix au point le plus haut de la lande, près du pylône électrique et plongeait dans le versant des gorges de la Maronne vers son but : une petite chapelle aujourd’hui cachée dans un sous-bois moussu (cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Cantal, Diren Auvergne, février 2007).
  2. La construction du complexe hydro-électrique de Lastioules et La Crégut dans l’Artense connecté à la vallée de la Rhue, de la Tarentaine et à l’usine hydro-électrique du barrage de Bort-les-Orgues a généré la construction de kilomètres de conduites forcées traversant le territoire.

Ces aménagements hydro-électriques ont modifié profondément les paysages de gorges qu’ils ont utilisé pour s’installer. L’urgence énergétique des années d’après-guerre a fait que ces aménagements ont été menés de façon assez systématique à l’échelle des bassins versants (à l’exemple de la Dordogne, de la Truyère et de leurs affluents). La continuité piscicole, la transparence sédimentaire, la préservation des corridors et des trames vertes et bleues sont des préoccupations actuelles qu’il faut intégrer, autant que faire se peut, dans la gestion de ces ouvrages hydrauliques.

3. MOTIFS PAYSAGERS

3.1 Les villages et hameaux en cul-de-sac sur les vallées en bout et rebord de plateaux.

3.2 Les routes panoramiques qui souvent permettent d’accéder à ces villages en cul de sac.

3.3 Les lotissements des Foyers Cantaliens.
Dans la partie cantalienne de l’ensemble, il est assez fréquent d’apercevoir en bord de bourgs des lotissements d’une facture très reconnaissable et de grande qualité. Par exemple, à la sortie de Mauriac en direction de Chalvignac, le long de la route départementale 678, on peut voir une trentaine de pavillons identiques qui ont été construits dans les années soixante-dix. Ces maisons modernes sont les équivalents des barres HLM construites dans les grandes villes à la même époque pour répondre à l’exode rural et loger les populations qui quittaient la campagne pour la ville. Augustin Chauvet, député-maire de Mauriac à l’époque, conseillé par un ingénieur subdivisionnaire de l’Equipement, M. Forgereau, a créé une coopérative départementale, le Foyer Cantalien, qui avait pour vocation de développer l’accession sociale à la propriété en favorisant la construction de petites cités en pavillons HLM de ce genre. De tels lotissements aux pavillons tous identiques ont été construits partout dans le département. Au point d’être devenus un motif paysager urbain très repérable. Les maisons, qui à leur construction apportaient tous les avantages de la modernité à leurs habitants, ont vieilli. Les pièces à vivre sont au premier étage. Les premières construites avec des matériaux de qualité étaient toutes en pierre. Elles sont très prisées et se vendent très bien aujourd’hui. Autre exemple, une cité du même ordre a été construite à l’entrée de Pleaux.

3.4 Montades et tours de granges.
L’accès aux anciennes granges se fait par une pente appelée montade. La montade permet d’accéder à l’entrée de la grange, située en hauteur, par les deux côtés de la façade. En haut des deux pentes, au centre de la façade, une petite tour est souvent construite pour servir d’entrée. Le dispositif est un motif paysager de la Xaintrie.

3.5 Les châtaigniers dans les haies de Xaintrie.
En bordure de certaines parcelles, des alignements de châtaigniers, sans sous-étage arbustif, remplacent les haies.

4. EXPERIENCES ET ENDROITS SINGULIERS

4.1 La petite ville de Mauriac.
Mauriac est l’une des plus anciennes villes du Cantal avec des traces remontant à l’âge de bronze. Un bourg s’est constitué au bord d’un ruisseau appelé riau Mauri, affluent de l’Auze, au 1er siècle, en bordure d’une voie romaine nord-sud. Cette ville réputée pour ses foires et ses marchés possède un patrimoine historique et architectural exceptionnel. La majeure partie du territoire communal appartient au bassin versant du ruisseau Saint-Jean qui a encaissé le site en forme d’amphithéâtre avant de se jeter dans l’Auze.

4.2 Le site minier de Saint-Pierre sur le plateau de Champagnac.
L’extraction de l’uranium, débutée dans les années 1960, est aujourd’hui terminée, même si cette activité marque encore le paysage.

4.3 Principe d’aménagement selon la technique du contraste retardé.
La technique du contraste retardé a été observée par le paysagiste Bernard Lassus lors d’une étude des jardins des habitants paysagistes (Lassus B., Jardins imaginaires, collection Les habitants paysagistes, Paris, Presses de la Connaissance, 1977).
La traversée de Vebret, de l’église jusqu’au pont, sur une distance de cinq cents mètres environ est une expérience de la couleur rouge et un exemple de contraste retardé. Les grands lampadaires urbains, les bégonias du monument aux morts au milieu de la route, les poubelles, les barrières, les rosiers, les rambardes du parapet du pont, les chaises du café sont de couleur rouge. Le panneau stop au croisement finit l’enchainement. Chaque élément de l’espace public contient au moins un élément nettement visible qu’un autre contient. En l’occurrence la couleur rouge qui passe d’un élément à un autre comme un fil conducteur. Une ambiance particulière est créée par ce procédé simple, pas toujours volontaire.

4.4 La lande d’Enchanet.

4.5 La chapelle Notre-Dame-du-Château surplombant la Maronne.
A Saint-Christophe-les-Gorges, sur la commune de Pleaux, la chapelle surplombe la Maronne de manière vertigineuse. Le chemin de pèlerinage descend vers le promontoire, mettant en scène l’accès au lieu (Cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Cantal, Diren Auvergne, février 2007).

4.6 La chapelle de Notre-Dame-du-Roc-Vignonnet perchée sur une table basaltique.
La chapelle construite au sommet du roc Vignonnet, à un kilomètre d’Antignac, domine la vallée de la Sumène (Cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Cantal, Diren Auvergne, février 2007).

4.7 « Le plus grand troupeau de bêtes à cornes du Cantal » vers Sion près de Mauriac.
Entre Mauriac et Anglards-de-Salers, un élevage d’escargot a été dénommé le jardin aux escargots par les héliciculteurs. Les escargots sont en liberté dans un "dispositif-jardin" adapté de 1000 mètres carrés.

4.8 Saint-Illide, exemple de développement actuel.
Le bourg de Saint-Illide se développe vers le sud-ouest, en arc de cercle orienté à peu près vers le sud. Des maisons ont été construites le long de la route sur les parcelles offrant une vue panoramique sur le massif cantalien. Le bourg est rapidement accessible, à une dizaine de kilomètres de la route départementale 922 qui relie Aurillac à Mauriac.
Les rues du bourg ont été aménagées sobrement. On a recouvert de bitume la totalité de la rue. La nappe de bitume rejoint les deux murs de propriété sans laisser d’espace. Le "tout bitume" a été utilisé comme méthode d’aménagement de certains centres-bourgs durant des années. L’apparence de propreté et la simplicité de mise en œuvre a motivé cette manière d’aménager. Les opérations cœur de bourgs ont permis de mettre en œuvre une autre qualité d’aménagement des centres des bourgs et des villages.

5. CE QUI A CHANGE OU CE QUI EST EN TRAIN DE CHANGER

  • Les transformations le long de la route départementale 922.
    La route départementale 922 est l’axe qui relie Mauriac à Aurillac. Au-delà des travaux d’aménagements sécuritaires, des travaux plus importants d’entrée de ville ou de bourg transforment rapidement l’apparence de ce paysage ordinaire routier, comme c’est le cas par exemple de la zone commerciale à l’entrée de ville de Mauriac, des nouvelles zones d’habitations pavillonnaires comme à Saint-Charmant ou de la reconversion des voies ferrées en vélorail vers Drugeac :
  • 1. Naissance d’une zone commerciale.
    Au bord de la route départementale 922, juste avant d’entrer dans la ville de Mauriac, un supermarché, sa station service et son parking ont été construits. Trois ronds-points ont été aménagés sur une distance de cinq cents mètres sur la route départementale. Une voie de desserte a été construite en dédoublement de la route. Une « entrée de ville » commerciale est née. Elle a remplacé « l’entrée de ville » plutôt champêtre et rurale qui était celle de Mauriac il y a quelque temps. L’entrée de ville commerciale est de type standard. Elle ressemble à celle d’autres villes. Elle est une réponse politique au désir de rendre apparent une forme de dynamisme économique local.
    Pour aménager la nouvelle zone, une grange a dû disparaître, un grand alignement de frênes et de chênes a dû être arraché, un calvaire a dû être déplacé. Une grande superficie de terrain a été creusée et aplanie. L’implantation de la zone commerciale se superpose en partie à la ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) récemment établie. Le calvaire déplacé et l’alignement d’arbres étaient mentionnés comme éléments patrimoniaux importants à préserver.
    A cinq cents mètres de là, plus proche du centre de Mauriac, une zone commerciale existe déjà. Deux zones commerciales successives constituent l’entrée de la petite ville de campagne.
  • 2. Projet de zone pavillonnaire.
    A la sortie du bourg de Saint-Charmant, une zone pavillonnaire est projetée. La situation est très attractive, à vingt minutes en voiture d’Aurillac et de Mauriac près de la route départementale qui relie les deux villes importantes du département. Ce genre de développement des bourgs correspond, encore aujourd’hui, au modèle dominant de l’habitat individuel et à la suprématie des déplacements automobiles.
  • 3. Reconversion de voies ferrées en vélorail.
    Au niveau de Drugeac, une ancienne ligne de chemin de fer longe plus ou moins la route départementale jusqu’à Mauriac. Le train ne vient plus à Mauriac depuis les années 1980. La ligne est désaffectée sur une soixantaine de kilomètres entre Bort-les-Orgues et Saint-Etienne-Cantalés. Sous l’impulsion de la Communauté de communes de Salers, elle a été reconvertie en partie en "produit de découverte touristique du territoire" : le vélorail. La ligne a été nommée les draisines du Cantal. Des sites de gares ont été réaménagés pour servir de points de départ du vélorail. Ce nouveau mode de locomotion permet aussi de redécouvrir les infrastructures ferroviaires anciennes. Un nouveau fragment vient d’être ouvert au niveau de Nieudan vers Laroquebrou.
  • Image d’aujourd’hui.
    Sur la route départementale 160 en direction de Saint-Cernin, au niveau de Labrunie, à côté du hameau, une très grande stabulation a été construite. Elle paraît visuellement de la même dimension que le village. Sa toiture est entièrement recouverte de panneaux solaires. Non loin de là, en contrebas dans le vallon, une autre vacherie avait été construite indiquant qu’il y avait des estives dans cette zone. Les prairies d’estive sont devenues des prairies de fauche. La différence de taille des deux bâtiments agricoles est très suggestive. Derrière l’ensemble vacherie-prairies-village-stabulation énergétique, une ligne à haute tension traverse la vision panoramique sur les monts du Cantal.

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

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