3.02 Pays coupés du Livradois

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant les itinéraires n°07 et n°29 des ateliers mobiles des paysages qui se sont tenus les 23/06/2011 et 22/05/2012.

1. SITUATION

Ce qui caractérise les Pays coupés du Livradois, c’est la succession de vallées profondes séparant de minces plateaux, quelques croupes souvent ponctuées d’un ensemble de villages à la rupture de la pente. Si les sommets demeurent ouverts, cultivés, les vallonnements sont propices à l’implantation forestière. C’est là que la dynamique de transformation paysagère est la plus prononcée : ces pentes utilisées jadis comme terrains de parcours à moutons en relation avec un système agricole où les différentes productions étaient liées, ont radicalement changé d’aspect lors de l’abandon de ces pratiques et l’évolution vers des systèmes plus spécialisés conduisant à la déprise des terrains difficilement ou non mécanisables.
Les Pays coupés du Livradois sont situés principalement en Haute-Loire et débordent au nord sur le département du Puy-de-Dôme. Ils dominent les Limagnes du Brivadois à l’ouest et servent de contreforts au Haut-Livradois à l’est.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 3. Les coteaux et pays coupés

Les unités de paysages qui composent cet ensemble : 3.02 A Contreforts de Saint Hilaire / 3.02 B Crêtes de Chassignoles / 3.02 C Contreforts de Chaniat / 3.02 D Contreforts de Collat / 3.02 E Bois de Fix.

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Pays coupés par des vallons et rivières.

Les hameaux de la Vèze et du Soleil clairière habitée au dessus du Doulon
Les pays coupés sont des endroits "marginaux", dans le sens où ils forment les marges de deux territoires bien distincts, un plateau et une plaine. Ce sont des "espaces entre", qui tiennent à la fois du plateau et de la plaine sans en être entièrement. On pourrait dire aussi que ce sont des "franchissements" ou des "seuils". Ces espaces ont suffisamment d’épaisseur pour être identifiés de manière singulière, ceci au travers de la caractéristique pratique suivante : coupés par les rivières et les vallons (ou creusés par ces rivières), il est plus compliqué qu’ailleurs de les traverser perpendiculairement à ces traits de coupe. Il en découle, dans ces pays, un sens particulier et contraint de l’usage du territoire. Certains "pays coupés" auvergnats ont plus d’épaisseur, ou sont géographiquement localisés de manière plus favorable que les pays coupés du Livradois (par exemple, la partie nord des pays coupés des Volcans près du bassin d’activité de Clermont-Ferrand). Les reliefs des "coupes" sont parfois plus doux aussi, ce qui a pour corollaire la quantité de vallons ou de gorges. Ces quatre composantes basiques (épaisseur, localisation géographique, force du relief, nombre des coupes) sont les quatre niveaux d’indication du type de pays coupé dans lequel on se trouve.

2.2 Au fond (vallée) et en haut (épaulements, balcons) : un système paysager double.

Clairière de Collat sur un épaulement de la vallée de la Sénouire
Les rivières ont découpé les "balcons" du Livradois sur sa façade ouest en donnant l’image précise d’un réseau en forme de peigne. Une dizaine de petites vallées encaissées et courtes déchirent ses pentes boisées en débouchant à proximité de l’Allier (ruisseau d’Auzon, de Bois d’Arbioux, de Chaniat…). Les ruisseaux coulent parallèlement d’est en ouest en isolant les épaulements cultivés, les uns par rapport aux autres. Ces épaulements, ce sont les "pays coupés".

2.3 La vie “en haut”.

Tête de bassin versant du ruisseau de Vaureilles à Saint-Hilaire
La vie humaine, si l’on excepte les moulins, a fui les fonds frais et étroits pour s’installer sur les rebords du plateau granitique en balcon et sur les têtes de vallées. Taches claires autour de fermes isolées, hameaux ou villages, les "poches" habitées, organisées en clairière, se répondent de clocher en clocher. Plus qu’ailleurs, du fait de la contrainte d’éloignement créée par les vallées, le système traditionnel du village et de son clocher est encore une expérience visuelle importante. Les "poches" habitées accueillent une activité agricole encore dynamique favorisée par les influences climatiques de la Limagne. Ces alvéoles cultivées, aux parcelles étendues et aux belles silhouettes villageoises contrastent avec la profondeur des vallées encaissées à la nature luxuriante et aux richesses patrimoniales dissimulées.

2.4 La vie “en bas”.

Saint-Didier-sur-Doulon
Seules les vallées du Doulon et de la Sénouire ont en amont une course nord-sud. Les vallées les plus ouvertes ont accueilli dans leur fond l’activité agricole. Des langues de pelouse, de tout petits prés et des arbres de bord de rivière signalent le lit du ruisseau. Les versants trop abrupts sont couverts d’une végétation mélangée entre les pins, les chênes et les hêtres selon leur altitude et leur exposition. De nombreux affleurements rocheux sont marqués par des lieux de vie où se sont accrochés les châteaux pittoresques et certains hameaux et villages.

3. MOTIFS PAYSAGERS

3.1 Les gorges et vallons.
La succession des vallons plus ou moins prononcés, parfois se transformant en gorge, dessine un motif bien propre à ce genre d’ensemble de paysages.

3.2 Les clairières et les clochers.
Sur les hauteurs, chaque clairière habitée est marquée d’un clocher très visible.

3.3 L’architecture en pisé.
On la retrouve dans les vallées au contact du bassin de Paulhaguet.

4. EXPERIENCES ET ENDROITS SINGULIERS

4.1 Un dispositif d’échange visuel entre les villages
Entre les villages situés sur les épaulements, l’échange visuel est souvent très direct bien que l’accès ne le soit pas toujours. On peut parler ici d’un système d’échange visuel bien marqué où chaque village aurait son voisin en ligne de mire.

4.2 L’expérience de la vue sur les contreforts du Livradois depuis l’A75 et la RN102 entre Lempdes et Brioude.
C’est la vision que l’on peux avoir des pays coupés en dehors des pays coupés. On peut la qualifier de vision géo-morphologique dans la mesure où le relief des pays coupés, de loin, se dessine très clairement. C’est un des rares ensembles de paysages, du fait de sa situation de marge de relief étroites, que l’on peut appréhender réellement quasiment dans une sorte de globalité géo-morphologique.

4.3 L’expérience des routes belvédères de crête avec leurs vues plongeantes sur les limagnes du Brivadois.
En montant sur Saint-Hilaire, on pense dire adieu à la plaine, lorsque la route serpente dans le creux des vallons, mais c’est pour la retrouver toute entière, au gré des aperçus, des promontoires, des terrasses accessibles depuis les rebords des pays coupés du Livradois (sur la RD52, la RD24 ou la RD161 par exemple).

4.4 L’expérience d’une époque de tourisme révolue.
A Saint-Pal-de-Sénouire, un grand hôtel est en phase de construction depuis plus de cinquante ans. Il n’a jamais été terminé. Le projet s’ajoutait à une série importante d’hôtels sur les territoires de moyenne montagne pour accueillir une clientèle de touristes à la recherche d’un air sain. Le « climatisme » avait apporté, à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, à l’ensemble du territoire du Livradois un essor important de l’hôtellerie. L’hôtel de Saint-Pal-de-Sénouire n’a pas eu le temps d’accueillir le grand nombre de vacanciers que la taille du bâtiment présageait.

4.5 La vallée du Doulon et Saint-Didier-sur-Doulon.
La vallée du Doulon, au cœur des pays coupés, est un monde en soi. L’impression "d’un monde englouti". Le village de Saint-Didier-sur-Doulon est implanté de part et d’autre d’un double méandre de la rivière, sur les versants rocheux en fond de vallée, au niveau de la confluence avec le ruisseau de Souvy. De nombreux jardins sont cultivés dans le lit de la rivière et les premières pentes sont occupées par des pré-vergers. Sur les pentes au-dessus du village on peut apercevoir les restes d’anciennes terrasses agricoles parfois dissimulées sous la forêt. Quelques unes viennent néanmoins d’être rouvertes par pâturage de troupeaux de moutons.

4.6 Le village de Lavaudieu.
Lavaudieu a été construit au bord de la Sénouire. Une abbatiale de style roman occupe son sommet. Elle dépend de l’abbaye de la Chaise-Dieu. C’est un site casadéen installé au bord d’un gué. Lavaudieu a obtenu le label "plus beau village de France" et est protégé au titre de la politique des sites de l’Etat, ainsi qu’une partie de la vallée de la Sénouire autour du village. Car c’est le mode de relation des habitants au milieu naturel de la vallée qui est intéressant. Cette relation est clairement perceptible au travers des jardins combinés des habitants et des services de la mairie dans le bourg, au travers des jardins potagers cultivés sur une bande au bord de la Sénouire, à l’entrée et au pied du bourg, et au travers de la richesse écologique des bords rocheux de la rivière en aval…

4.7 Le village d’Auzon.
Le village d’Auzon est construit à la sortie du ruisseau du même nom sur les contreforts du Livradois. Un château et une église ont été installés au sommet d’un éperon rocheux. Le village s’organise autour, par de nombreuses maisons accolées et desservies par un réseau de venelles-escaliers.

5. CE QUI A CHANGE OU CE QUI EST EN TRAIN DE CHANGER

  • L’intensification agricole sur les « clairières suspendues ».
    L’agriculture est concentrée en "poches". Certaines clairières, sur les épaulements au relief moins hostile que dans les vallées, ont vu leurs exploitations se moderniser. Les éléments du paysage agricole traditionnel comme les haies, les fossés, les murets et les chemins creux ont tendance à disparaître. La perception de ces territoires complexes a tendance à s’épurer. Au-delà de l’intérêt contribuant à diversifier les éléments du paysage, tous ces éléments ont un intérêt écologique, agronomique, hydrographique important.
  • L’ouverture soudaine du paysage par l’exploitation des forêts en coupe à blanc.
    Dans la vallée boisée du Doulon, les pentes accessibles depuis la route sont en train d’être exploitées pour leur bois. Des parcelles entières sont coupées à blanc ouvrant de larges vues sur le fond de la vallée. Le phénomène de déboisement semble s’accentuer depuis trois ans car la plupart des forêts plantées dans les années soixante-dix arrivent à maturité. Il s’explique également par le développement de plusieurs grosses scieries qui cherchent du bois à proximité. Même si certaines parcelles sont replantées en fonction des règlements de boisement des communes, on assiste à une sorte d’inversion paysagère dues aux coupes de parcelles forestières.
  • L’entretien des arbres isolés autour des hameaux.
    Ce qui a le plus changé depuis une trentaine d’années, c’est certainement l’entretien des arbres isolés autour des hameaux. Auparavant l’accompagnement végétal des hameaux était contenu (espace jardiné). Aujourd’hui, on pourrait dire que le végétal envahit. Notre intention vis-à-vis des arbres a changé. Avant, c’était une intention d’exploitation pour le bois et les feuilles. Aujourd’hui, c’est peut-être plus le potentiel naturel qui nous intéresse. Le point de vue sur la forêt est plus ou moins négatif, car les plantations sont associées à la déprise démographique. Les arbres, dans l’imaginaire contemporain de ces contrées, semblent prendre la place des hommes.

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

>>> Visionnez les photos

Partager la page

Sur le même sujet