3.01 Pays coupés des volcans
Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant les itinéraires n°19 et n°20 des ateliers mobiles des paysages qui se sont tenus les 15/11/2011 et 30/01/2012.
1. SITUATION
Il désigne un ensemble de rivières coulant vers l’Allier (et leurs affluents), qui descendent du Sancy ou du Cézallier, globalement orientées ouest-est jusqu’à la vallée et les gorges de l’Alagnon (9.05) : Sianne, Voireuse, Ruisseau d’Auze, Couze d’Ardes, Couze de Valbeleix, Couze Pavin, Couze Chambon, Monne, Veyre, Auzon. Cet ensemble paysager est une zone de transition entre les Hautes-Terres et la plaine. Il fait écho aux Pays coupés du Livradois (3.02).
Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 3. Les coteaux et pays coupés
Les unités de paysages qui composent cet ensemble : 3.01 A Plateau de Massiac / 3.01 B Plateaux et vallons de Blesle / 3.01 C Plateau de Lempdes / 3.01 D Plateau de la Chapelle-Marcousse / 3.01 E Plateaux de Vodable et du Lembron / 3.01 F Plateau de St-Diéry / 3.01 G Plateau d’Olloix / 3.01 H Plateau de Cournols / 3.01 I Montagne de la Serre.
2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES
2.1 Pays coupés par les couzes et leur vallée.
Les pays coupés sont des endroits "marginaux", dans le sens où ils forment les marges de deux territoires bien distincts, un plateau et une plaine. Ce sont des "espaces entre", qui tiennent à la fois du plateau et de la plaine sans en être entièrement. On pourrait dire aussi que ce sont des "franchissements" ou des "seuils". Ces espaces ont suffisamment d’épaisseur pour être identifiés de manière singulière, ceci au travers de la caractéristique pratique suivante : coupés par les rivières et les vallons (ou creusés par ces rivières), il est plus compliqué qu’ailleurs de les traverser perpendiculairement à ces traits de coupe. Il en découle, dans ces pays, un sens particulier et contraint de l’usage du territoire.
Certains "pays coupés" auvergnats ont plus d’épaisseur que d’autres, ou sont géographiquement localisés de manière plus favorable que d’autres. C’est par exemple le cas pour la partie nord des pays coupés des Volcans près du bassin d’activité de Clermont-Ferrand. Les reliefs des "coupes" sont parfois plus doux aussi, ce qui a pour corollaire la quantité de vallons ou de gorges. Ces quatre composantes basiques (épaisseur, localisation géographique, force du relief, nombre des coupes) sont les quatre niveaux d’indication du type de pays coupé dans lequel on se trouve.
2.2 Des formes géologiques marquantes.
2.3 Une grande diversité de situations paysagères liée à la géologie et au climat.
2.4 Plusieurs types de terroirs.
- Les fonds de vallée dans la partie haute : les cours d’eau s’encaissent dans le substrat et forment des gorges profondes. La vallée elle-même est peu exploitée. Prés et pacages étroits laissent à peine deviner le cours d’eau. Ces espaces ont tendance à disparaître. Les cours d’eau ont été longtemps utilisés comme force motrice et de nombreux moulins ponctuaient leur cours. Aujourd’hui, ce patrimoine architectural et technique tend à disparaître ne laissant visibles que des corps de bâtiments souvent imposants.
- Les fonds de vallée dans la partie moyenne ou basse : ce sont des fonds de vallée recouverts d’alluvions récentes où l’exposition et la qualité du sol ont permis le développement d’une arboriculture très largement mêlée à des prés ou petits champs.
- Sur les flancs de vallée en partie haute, les pentes fortes sont laissées exclusivement à la forêt. On a alors des peuplements qui diffèrent selon leur mode d’exploitation et l’exposition.
- En altitude, on observe : des formations où domine le hêtre, parfois en mélange avec le sapin (qui supporte mal les climats trop secs) ou le pin ; une chênaie pubescente (jusqu’à huit cents mètres d’altitude sur versants bien exposés), parfois entrecoupée de cordons d’érables ou de frênes dans les talwegs plus humides et de peuplements de pins sur les sols les moins épais ; des plantations d’épicéas qui suivent les découpages du parcellaire et qui forment des trouées dans ce couvert de feuillus dominants.
- Les plateaux : sur sols maigres et caillouteux parfois hygromorphes, ces terroirs ingrats ont été peu cultivés. Lorsqu’ils l’ont été, la nécessité de les épierrer a entraîné la constitution de pierriers en cordons aujourd’hui encore très visibles, mais envahis par des ronciers et broussailles. Ils étaient surtout parcourus par des moutons. Ils ne font plus guère l’objet aujourd’hui d’exploitation agricole sauf dans certains secteurs particuliers où on a alors de grandes parcelles en cultures ou des prairies (plateau de Pardines..)
- Les pentes des coteaux bien exposés sur formation argilo-calcaire : sous bonne exposition, ils sont des terroirs privilégiés pour la viticulture. Le vignoble a autrefois couvert l’ensemble des pentes moyennes. La partie haute, où les terres étaient plus fortement chargées en éboulis basaltiques, était plus souvent laissée à la forêt. La présence du vignoble ancien est attestée par les tonnes de vignes (petit abri viticole situé en pleine parcelle de vigne). Après la forte régression du vignoble, la structure du parcellaire en bandes étroites et les terrasses restent visibles. Là où les pentes sont trop fortes pour permettre la mécanisation, ces terroirs ont évolué vers la friche : fourrés de prunelliers, églantiers… Les bas de pentes où la topographie est moins forte, ont souvent été repris par des cultures céréalières en champs ouverts.
Côteaux en terrasses à l'entrée de Champeix, couze Chambon - Les “plaines” et "fonds" des bassins : ce sont des lieux de grandes cultures en champs ouverts qui aujourd’hui encore sont largement exploités (bassin du Lembron).
2.5 Les vallées fruitières.
2.6 Diverses formes d’installations humaines au cours de l’histoire dans les vallées.
2.7 Un processus de retour aux dynamiques naturelles d’une ancienne vallée exploitée : la vallée de la Monne.
Parmi ces formes de présence humaine dans ces vallées, l’une des plus singulières est peut-être celle disparue des paysans qui descendaient moudre le grain au bord de la Monne et qui habitaient les maisons en ruine du village de Riberolles. Le pont du Moyen-Age, le village abandonné sous la végétation, la nature des chemins… confèrent au lieu une atmosphère étrange.
La vallée de la Monne, en amont de Saint-Saturnin jusqu’à Monne, bien qu’aussi accueillante que les autres vallées et aussi proche de Clermont-Ferrand, a été préservée de toute installation résidentielle par son classement au titre de la politique des sites de l’Etat en 1979. Deux projets de construction ont déclenché la prise de conscience de la fragilité de cette vallée encaissée de la Monne : un très vaste monastère sur le rebord nord de la rupture de pente réalisé en 1977 et un projet de micro centrale hydraulique qui n’a pas été réalisé du fait du classement du site.
Il a résulté de ce classement que l’apparence de la vallée est redevenue quasiment "sauvage" : une végétation de qualité s’y est tranquillement développée. La richesse de la flore et l’évolution des dynamiques naturelles ont été étudiées précisément dans le périmètre du site. Un article de la Revue des Sciences Naturelles d’Auvergne (vol. 70, 2006) en rend compte. Il s’intitule Flore et dynamique des végétations des gorges de la Monne en 1996-2006. Eléments pour leur gestion patrimoniale (par Michel Frain) : « Le site classé des gorges de la Monne est d’une grande richesse floristique et écologique : environ cinq cents plantes vasculaires ont été recensées en 1996 et 2003 ; trente-et-une sont des espèces remarquables dont cinq sont protégées en France ou en Auvergne. Avec des versants contrastés nord et sud, des variations notables de l’altitude et un contexte mésoclimatique d’abri, les végétations sont très variées et certains habitats sont reconnus d’intérêt prioritaire comme les ravins à tilleuls et l’aulnaie ripisylve. Durant la période 1996-2003, l’évolution du milieu est principalement due au passage de la tempête de décembre 1999 : les pinèdes et des chênaies ont souffert ; la régénération se fait naturellement au profit d’une strate herbacée riche en espèces ; des fourrés se constituent sous les pins couchés et non exploités rendant le milieu impénétrable. Le versant sud occupé par des pelouses, des landes et des fourrés évolue suivant une dynamique naturelle lente et perceptible : en sept ans, des landes sont devenues sénescentes et des genêts à balais se sont desséchés ; de plus, la callunaie a parfois supplanté une landine à armoise champêtre ; la diversité élevée sur ce versant méridional est liée notamment au maintien d’un pâturage ovin libre près de Randols […] ».
2.8 L’originalité du bassin du Lembron.
2.9 Les villages qui dominent avec des vues spectaculaires.
3. MOTIFS PAYSAGERS
3.1 Les anciennes terrasses et maisons de vigne.
3.2 Les coteaux de champs de fruitiers.
3.3 Les jardins vivriers des bourgs les plus anciens.
Par exemple, à Saint-Saturnin, Saint-Amand-Tallende (au bord de la Monne), Champeix, etc. Ces trois sites de jardins s’organisent autour de ponts médiévaux cf. Exemples de projets locaux : la réhabilitation des terrasses et jardins de Champeix. + cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009.
3.4 Les ponts.
De toutes les époques (du Moyen-âge aux années soixante-dix), la diversité et la quantité de ponts liées à l’occupation humaine importante des nombreuses vallées, font de cet élément architectural un "écosymbole" (élément symbolique de notre relation à l’environnement naturel) de cet ensemble de paysages. L’existence des habitants s’est organisée et s’organise encore par rapport à certains d’entre eux qui ont été ou sont des points de jonction et de repère importants à l’intersection entre nature et culture (cf. Grandes composantes de paysages : diverses formes d’installations humaines dans les vallées au cours de l’histoire.).
4. EXPERIENCES ET ENDROITS SINGULIERS
4.1 Vues plongeantes et panoramiques.
- Vues plongeantes sur de vastes espaces et des points de vue exceptionnels : un très beau panorama lointain sur Perrier depuis le route départementale 32 à Malbattu permet une approche de ces paysages ;
- Vues plongeantes très intéressantes sur l’ensemble de la vallée de la couze Pavin depuis la montée de Chidrac à Lavelle ;
- Vues en contre-plongée sur les pentes de Lavelle, de Pardines et de Chidrac montrant toute la sensibilité de ces groupements de pente en secteur dégagé.
- Vues panoramiques depuis les bourgs construits sur les hauteurs comme celui du promontoire du Crest par exemple.
- Vue depuis le puy d’Ysson près de Solignat par-dessus les plateaux avec en ligne de mire la tour de Montpeyroux.
4.2 Les silhouettes des villages sur pente ou en crête.
Les exemples sont nombreux et l’on peut citer aussi bien des bourgs que des villages isolés : Solignat, Vodable, Le Crest, Augnat, Mazoire, Ardes, Brugelot…
4.3 Les grottes et installations troglodytes de Perrier et La Roche Blanche.
Les coteaux des pays coupés orientés au Sud ont été propices à l’installation d’habitat troglodytes aujourd’hui nettement visibles depuis les bas de vallées (cf. Grandes composantes des paysages : diverses formes d’installations humaines dans les vallées au cours de l’histoire. ).
4.4 La vallée des Saints, le cirque des Mottes, la source de Bard.
Les roches ocre-rouges de la vallée des Saints érodées par l’eau et le vent en cheminées de fée de couleur génèrent un paysage étonnant, peut-être le plus "exotique" de l’Auvergne.
4.5 L’expérience des gorges.
Les gorges de Rentières creusées par la couze d’Ardes et les gorges de Courgoul dans la vallée de la Couze de Valbeleix sont les exemples les plus célèbres.
4.6 Les coteaux viticoles de Boudes.
La vigne domine le village de Boudes et occupe une partie du coteau orienté au sud. La coulée de lave au sommet du coteau et la forme en cuvette au pied participent d’un microclimat favorable à la culture de la vigne (cf. Grandes composantes des paysages : les vallées fruitières + plusieurs types de terroirs.).
4.7 La vallée de la Monne.
La vallée de la Monne anciennement habitée et cultivée, est aujourd’hui recouverte de forêts de feuillus. La présence des habitations enfouies sous la végétation au bord de la Monne lui donne une apparence de "vallée fantôme" (cf. Grandes composantes des paysages : un processus de retour aux dynamiques naturelles d’une ancienne vallée exploitée, la vallée de la Monne).
4.8 Le parc de La Batisse près de Chanonat.
C’est un témoignage célèbre de l’histoire des jardins au 18ème siècle (Cf. Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009).
4.9 Le hameau de Randols dans la vallée de la Monne
Le hameau est un îlot habité par les religieux sur un versant de la vallée de la Monne entièrement boisé. La gestion des alentours par les religieux, exerçant un faible niveau de pression sur le milieu est exemplaire. L’atmosphère du hameau s’en ressent.
(cf. Exemples de projets locaux : la gestion des alentours du hameau de Randol + Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés dans le département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009.)
4.10 L’expérience du ciel et l’observation des oiseaux.
La montagne de la Serre et le plateau de Pardines sont des lieux réputés pour l’observation des oiseaux. La richesse des espaces, en partie agricoles et en partie abandonnés à la reconquête végétale spontanée est propice à la présence de nombreuses espèces. Ils forment de plus un belvédère privilégié sur le goulet topographique situé en fond de Limagne pour observer les oiseaux migrateurs en automne.
5. CE QUI CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER
- Les secteurs bénéficiant de la proximité du bassin d’Issoire subissent des extensions récentes sous forme pavillonnaire qui constituent de nouveaux pôles d’urbanisation.
- Une forte diminution de la superficie en vignoble.
Les coteaux exposés à l’est sur substrat calcaire ont été largement exploités en vignobles jusqu’à une époque récente, postérieure à la crise du Phylloxéra. Leur forte régression a laissé des pans entiers de coteaux en friches où l’on décèle encore les trames du parcellaire. - La régression rapide de la culture de la pomme.
Dans les vallées, à l’aval, les vergers ont là aussi largement régressé. Ils ont été le plus souvent arrachés, laissant la place à de grandes cultures, à des prairies ou à des friches. - La mécanisation des grandes cultures et l’agrandissement des trames parcellaires.
- Une extension des boisements et plantations sylvicoles sur les pentes des vallées.