1.02 Monts Dore

Ce texte est le résultat d’un agencement des choses dites par des paysagistes et leurs invités, tous embarqués dans une camionnette-voyageuse à travers l’Auvergne. Pour cet ensemble de paysages, il a été écrit à partir de tout ce qu’ils ont été capables de voir ensemble, durant les itinéraires n°16 et n°17 des ateliers mobiles des paysages qui se sont tenus les 25 et 26/10/2011.

1. SITUATION

Définir des limites paysagères précises de cet ensemble est délicat. Pourtant, même si les franges sont parfois difficiles à positionner d’un côté ou de l’autre, le massif en tant qu’entité joue un rôle déterminant dans l’image du département du Puy-de-Dôme et de la région Auvergne : image de référence dans les dépliants touristiques ou les supports de communication, appartenance forte.

Cet ensemble appartient à la famille de paysages : 1. Les hautes terres

Les unités de paysage qui composent cet ensemble : 1.02 A Versants de Chastreix / 1.02 B Versants de Picherande / 1.02 C Versants de Besse / 1.02 D Versants de la Plate / 1.02 E Crêtes du Sancy / 1.02 F Montagnes de la Croix Morand / 1.02 G Versant de la Banne d’Ordanche / 1.02 H Plateau de Laqueuille / 1.02 I Plateaux de Rochefort-Montagne / 1.02 J Versants de Pessade

2. GRANDES COMPOSANTES DES PAYSAGES

2.1 Une structure de montagnes particulièrement complexe.
Le massif des Monts Dore est un massif volcanique (strato-volcan) dont la forme est complexe, contrairement à celle de la Chaîne des Puys ou du Devès par exemple, que la vue appréhende plus facilement. C’est ce qui reste, la "ruine", de trois grands volcans dont les émissions ont duré plus de trois millions d’années. Il a été modelé ensuite par une érosion glaciaire qui l’a entaillé pour aboutir à ces formations de cirques et de vallées aux formes spécifiques. L’érosion fluviale a fini de sculpter les formes du relief actuel du massif.

2.2 Des espaces singuliers, ressources naturelles devenues ressources touristiques.
Il a résulté de cette histoire géologique des sortes d’espaces de très grande qualité naturaliste et esthétique dont la diversité sur un territoire de montagne relativement confiné et facile d’accès a favorisé l’attractivité et l’exploitation des ressources dès l’avènement du tourisme au 19ème siècle :

  • Les nombreux lacs d’origine volcanique dont la densité est très importante dans le massif (maars d’explosion comme celui du lac Pavin accolé au Puy de Montchal, lac de cratère de Servières, de Montcineyre ; complexe du lac Chambon dont l’existence est due au volcan du Tartaret qui barre l’écoulement de la couze Chambon…) ;
  • Les sommets quasiment tous fréquentés voire aménagés en points de vue : sommets des trois volcans originels du massif (Puy de Sancy 1885 m ; piton de basalte de la Banne d’Ordanche 1512 m ; Puy de l’Aiguiller 1547 m) et les sommets isolés (Montagne du Capucin qui surplombe la ville du Mont-Dore ; Roche Vendeix qui surplombe La Bourboule…) ;
  • Les espaces issus de l’érosion glaciaire : les cirques comme celui de la vallée de la Fontaine Salée ; les vallées glaciaires comme celle de la Dordogne au Mont-Dore et celle de Chaudefour ; les sur-creusements glaciaires sur les replats accompagnés de dépôts ou de verrous comme celui du lac Guery ; les nombreuses cascades (Grande Cascade, cascades du Saut-du-Loup, du Queureuilh et du Rossignolet, cascades de la Vernière et du Plat à Barbe près du Mont-Dore et de La Bourboule…) ; les zones de tourbières (tourbières du lac Servières, tourbière suspendue du bois de la Masse, zones humides de la vallée de la Fontaine salée…).
    Toutes ces richesses naturelles sont autant de destinations possibles sur lesquelles la pratique thermale et les autres pratiques touristiques par la suite ont appuyé leur développement.

2.3 L’avènement du tourisme dans le massif du Sancy : la série historique "thermalisme - sport d’hiver - tourisme-nature".

On peut saisir une histoire de l’exploitation des ressources du massif au travers de l’enchaînement historique de ces trois pratiques touristiques. Cette histoire relativement classique du développement intensif et d’aménagement d’une montagne a fait du massif du Sancy l’une des Hautes-Terres les plus artificialisées d’Auvergne.

Etape 1. Le thermalisme ou un début d’exploitation économique des ressources paysagères ?
Le 19ème siècle a vu l’avénement des grandes stations thermales comme Le Mont-Dore, La Bourboule, Saint-Nectaire… dans le massif. L’eau était utilisée depuis longtemps en thermes mais l’exploitation commerciale à grande échelle de ces derniers a été alors réalisée de manière organisée en faisant l’objet d’aménagements progressifs.
Maupassant, en séjournant dans la ville thermale de Châtelguyon en 1886, a écrit un roman-reportage, Mont-Oriol, dans lequel il montre la vie quotidienne des habitants temporaires d’une ville thermale au 19ème siècle. A sa lecture, on comprend que la vie thermale s’organise à l’intérieur d’un complexe spatial qui va bien au-delà de la ville elle-même. Autour de la station thermale, il y a un ensemble de lieux qui font l’objet de "promenades" (les plus proches) ou "d’excursions" (les plus éloignés). L’ensemble constitue "le système de lieux de la station thermale" auquel on peut ajouter les grandes villes d’origine de la clientèle depuis lesquelles des lignes de trains sont spécialement mises en place. Chaque station thermale a son complexe de lieux. Pour Le Mont-Dore et La Bourboule par exemple, le massif du Sancy et tous les espaces pittoresques et naturels listés ci-dessus font office de destinations de promenades ou d’excursions…

Etape 2. Les sports d’hiver.
Le paysage thermal est considéré par Maupassant comme un paysage commercial et industriel. Le thermalisme a généré la construction de lignes ou raccords ferroviaires de la même manière que l’industrie est le principal déclencheur de construction ou, aujourd’hui, de maintien d’une ligne. Le développement du thermalisme a eu un effet sur le désenclavement général du nord de l’Auvergne par le train dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Cela a eu des conséquences sur les développements territoriaux ultérieurs. Par exemple, la reconversion de la station thermale du Mont-Dore en station de sports d’hiver dans les années 1930 / 1950 n’a été pensable que parce que la ligne de train Paris/Le Mont-Dore existait grâce au développement de la station thermale cinquante ans plus tôt. Dans les années 1930, la station du Mont-Dore se reconvertit selon les évolutions du monde contemporain en station de sports d’hiver profitant de certaines infrastructures existantes, en construisant d’autres dans la perspective d’un accueil beaucoup plus conséquent. Les vagues d’aménagements se succèdent jusqu’à aujourd’hui (remontées, pistes, routes d’accès, parkings, bâtiments d’accueil, résidences pour locations temporaires, bassins de rétention des eaux, parcs…) modifiant très largement l’occupation de l’espace, les pratiques et l’apparence de la vallée, du bourg au Sancy.

Etape 3. Le tourisme-nature.
Depuis les années soixante-dix, le tourisme des sports d’hiver s’est doublé d’un nouveau genre de tourisme : le tourisme-nature ou tourisme estival. Les infrastructures sont toutes en place pour faciliter l’accès et l’hébergement d’un visiteur attiré par les paysages singuliers du Sancy. Les aménagements importants liés aux pratiques touristiques précédentes (architectures des villes thermales de La Bourboule et du Mont-Dore, très parisiennes ; installations mécaniques diverses des stations de ski, développement résidentiel pour les sports d’hiver, sur-développement des routes d’accès aux stations et des infrastructures de stationnement…) donnent une opportunité de prendre le contre-pied de leur propre développement en favorisant une forme de tourisme moins consumériste, orienté plutôt vers un état initial, "pré-touristique", des ressources de la montagne.
Les espaces naturels encore préservés, n’ayant pas encore subi la série d’aménagements nécessaires aux pratiques précédentes, sont l’occasion de rapports parfois conflictuels qui illustrent clairement que le processus touristique s’apparente à un phénomène de "conquête" de l’espace. Les deux Réserves Naturelles Nationales créées sur le massif sont une conséquence parlante du phénomène, d’autant plus marqué que les aménagements précédents ont été intensifs dans certains secteurs (Stations thermales de la Bourboule et du Mont-Dore, Vallée du Sancy, station de Chastreix-Sancy, station de Super-Besse…)

2.4 Petite histoire mouvementée de la naissance d’une Réserve Naturelle Nationale.

La Réserve Naturelle Nationale de Chastreix-Sancy de 1854 hectares est créée en 2007. Elle se juxtapose à celle de la vallée de Chaudefour et intègre au sud du massif du Sancy des hauts lieux botaniques subalpins, les tourbières de pente de la vallée de la Fontaine Salée, la hêtraie et les tourbières du Bois de la Masse. Elle abrite trente cinq plantes protégées au niveau national ou régional. Tout un cortège de plantes reliques de l’époque glaciaire s’y trouve réuni. L’histoire de la création de cette réserve naturelle est assez éloquente. C’était un endroit oublié, même par les botanistes et les naturalistes jusqu’aux années cinquante-soixante, du fait de son accès difficile, en altitude, « de l’autre côté du Sancy ». C’est au moment de l’apparition d’un projet de station de ski en 1975 que les regards se sont dirigés vers ce lieu. Le projet n’aboutit pas du fait d’une opposition virulente notamment d’origine associative. Une manifestation est organisée sur les lieux. En 1978, la vallée de la Fontaine Salée est protégée au titre des Sites Classés. Un premier projet de transformation en Réserve Naturelle échoue en 1982 devant les intérêts de liaison entre les domaines skiables de Super-Chastreix et Super-Besse. Le projet d’une réserve plus étendue allant jusqu’aux tourbières du Bois de la Masse apparaît dans les années quatre-vingt-dix sous l’impulsion de la DIREN (Direction Régionale de l’Environnement) et du Parc Naturel régional des Volcans d’Auvergne. L’enquête publique aboutit favorablement en 2003. La réserve est créée seulement quatre ans plus tard, du fait notamment des divers freins générés par les intérêts contradictoires d’extension du domaine skiable du Sancy. Le tracé du périmètre de la réserve est une marque de cette histoire : il fait apparaître une sorte de "canal" (non soumis à la protection) entre la réserve de Chaudefour et celle de Chastreix-Sancy, rendant possible les travaux de liaison entre les stations de ski.

2.5 Aménagements pour la Réserve Naturelle Nationale de Chaudefour.
Si la Réserve de la Fontaine Salée reste préservée de par sa localisation, la situation de la Réserve de Chaudefour, très accessible depuis le site touristique estival du lac Chambon, a dû faire l’objet d’aménagements.
Un grand parking planté et une auberge au bord de la route indiquent que l’entrée de la Réserve Naturelle Nationale de la Vallée de Chaudefour n’est pas loin. Elle a été créée en 1991, sur 820 hectares. C’est aussi un site classé protégé par la politique des sites de l’Etat. Une maison de la réserve naturelle, équivalent d’une maison de site, a été construite. Elle forme une sorte d’entrée à la promenade qui permet aux visiteurs de s’enfoncer dans la vallée. Des informations y sont données sur les espèces animales et végétales présentes, les modes de gestion et les comportements à adopter par le visiteur pour ne pas déranger ni abîmer les milieux.
Des visites guidées sont organisées en saison, des panneaux d’information ludiques jalonnent le chemin principal de la vallée et forment des arrêts pour voir. La promenade très facile fait de la vallée une destination très fréquentée en été.

2.6 La concentration d’aménagements qui résultent de la superposition des logiques touristiques dans certains endroits : l’exemple du col de Guéry.
Au passage du col de Guéry, à l’articulation entre la vue sur le lac et une autre vue célèbre, celle des roches Tuillère et Sanadoire, un grand parking et une promenade belvédère ont été aménagés. Des arbres d’alignement ont été plantés sur le parking pour faire de l’ombre. Un grand panneau d’information présente une image de la vue célèbre à l’endroit même où on peut la voir. Le parking sert aux visiteurs qui viennent voir la vue, aux usagers de la station de ski de fond et aux promeneurs qui, après avoir admiré les roches, se dirigent vers la Maison de la Flore, descendent vers le lac, vont jusqu’à la cascade en longeant le lac puis à travers bois.

2.7 Les vestiges : le phénomène de construction de "ruines modernes".

Station de ski de Chastreix
Les différentes exploitations de la montagne ne vont pas sans laisser des vestiges modernes divers qui font aujourd’hui partie du paysage ou de la mémoire de certains espaces et entrainent parfois des pratiques de "désaménagement" probablement amenées à s’accélérer. On peut se demander dans quelle mesure les pratiques modernes n’ont pas fabriqué rapidement des formes de ruines. Depuis la station de ski de Chastreix par exemple, la vue est imprenable : un vaste panorama sur le plateau de l’Artense. La proximité des sommets du Sancy, de la barrière d’éboulis et de falaises du Bois de la Masse et la vue plongeante sur le village de Chastreix créent une atmosphère surprenante. Mais les aménagements de la station contrastent et semblent renier la grande qualité du lieu : de grandes surfaces de parking bitumées, les talutages, le bâtiment d’accueil métallique, la disposition de chalets et de bâtiments divers… Tout contribue, en dehors des périodes de fonctionnement, à donner une impression de station-fantôme, de ruine. Dix-huit canons à neige ont été installés récemment pour pallier le manque de neige et prolonger artificiellement la saison. Etant donné les évolutions climatiques actuelles, on peut penser que la durée de vie de cette installation sera courte. C’est un cas caractéristique de ruines en construction, c’est-à-dire d’aménagements réalisés sur une vision à court terme et sans relation avec la nature du lieu et sa dynamique, voués dès leur réalisation à être démolis ou reconvertis rapidement et à grands frais. Il y en a de nombreux cas dans les zones d’altitude, notamment liées aux activités de ski alpin. Sont démontées certaines infrastructures des stations qui ont cessé leur activité : exemples isolés du démontage du remonte-pente du lac de Guéry, des remontées sous le col de Serre du côté de la vallée de la petite Rhue (Cantal), du projet de déplacement du parking construit dans les prairies sous le Mézenc (Haute-Loire), de l’effacement des installations du Chambon-des-Neiges dans le massif du Sancy… Mais cela ne touche pas seulement les stations de ski. Des aménagements réalisés dans le souci du développement local ou de la préservation de l’emploi peuvent également se trouver à l’abandon lorsque leurs objectifs ne sont pas atteints.

2.8 L’occupation traditionnelle du sol se cale étroitement sur la topographie, l’exposition, l’altitude et les possibilités de mise en valeur.

Les étagements de la montagne sont bien marqués.

L’étage subalpin : ici le hêtre et le sapin ne dépassent pas l’altitude de 1500 mètres, même si des arbustes comme le sorbier ou le saule des lapons montent au-dessus de 1550 mètres. C’est aussi un espace d’estives. L’étage montagnard qui regroupe formations forestières (hêtraies, hêtraies-sapinières, chênaies-hêtraies, pinèdes de substitution), espaces cultivés (parcours, prairies de fauche, pelouses) et landes. De vastes espaces boisés forment de grandes plaques continues sur les reliefs : versants ouest, Bois de Domais, Bois de Gayme, Massif au sud de la vallée de la Dordogne (La Tour, Bois de Charbonnières, Montagne de Bozat…).

Les vastes espaces ouverts ont des physionomies très différentes.

En partie haute : les estives et les landes d’altitude sont des espaces ouverts et continus où se côtoient herbages, landes, et zones humides. Pourtant ces espaces ne sont jamais homogènes et de subtiles nuances de couleurs et de textures animent les surfaces.
En partie basse, dans les grands terroirs agricoles, on retrouve plusieurs modes d’organisation et de structure selon les types d’exploitation et de gestion du parcellaire : 1. des secteurs où persiste une trame bocagère qui limite les parcelles (nord de Picherande, Vernines…) ; 2. des secteurs où au contraire les structures du parcellaire ont été remembrées et où les clôtures électriques et les prairies artificielles se substituent aux formes de bocage ; 3. des terroirs où la forêt et les espaces agricoles s’imbriquent plus intimement (Murat le Quaire, nord-est de Murol, Vernines…). Les parcelles restent petites et limitées par des haies qui s’épaississent donnant une apparence très boisée à l’ensemble. Dans ces réseaux s’intercalent de petits boisements, des friches ou des landes.

3. MOTIFS PAYSAGERS

La dominante de fermes blocs.
Les fermes blocs ont une volumétrie imposante, avec des toitures pentues, souvent avec des coyaux (éléments de charpente qui adoucissent la pente en bas de versant du toit au niveau de l’égout). Elles sont pour la plupart couvertes en lauzes ou en ardoises (souvent en remplacement du chaume.)

Les burons.
Cet habitat d’estives présente une typologie caractéristique : rez-de-chaussée avec peu d’ouvertures, fenil sous toiture, toits à deux pans. Il ponctue les estives de signes de présence humaine, de plus en plus souvent laissés à l’abandon.

Les "objets naturels".
Les crêtes, les cascades, les roches (Roche Vendeix, Capucin…), les cirques glaciaires (Fontaine salée, Chaudefour..), les lacs (Servière, Guéry, Chambon, Pavin…) et les tourbières, les cols (Col de la Croix Morand, col de Guéry, col de la Croix Saint-Robert…), les rivières… sont autant d’événements naturels qui marquent à tout moment l’expérience que l’on peut avoir de l’ensemble de paysage de montagne. Leur caractère plus ou moins visible, accessible, célèbre en fait des destinations singulières ou des points de repères partagés.

Les croix et systèmes de repérage.
Les croix sont nombreuses et particulièrement visibles dans les territoires ouverts de montagne. Si leur signification est perdue pour une grande partie de la population, leur présence est marquante et en fait un motif paysager. Leur fonction était multiple : croix de chemins, croix des rogations et de processions, croix de limites, croix de villages et de cimetières, croix des ponts, des sommets, des sources et des fontaines, croix de mémoire.
- Historiquement, la première fonction des croix a été de christianiser des lieux et d’y faire reculer les cultes anciens. Elles sont des indicateurs de l’avancée et de la présence du christianisme dans le territoire (les croix sur les sommets ou petits reliefs sont très nombreuses en Auvergne et assurent cette fonction de manière très visible).
- Elles ont permis de faire reculer la peur de certains endroits, notamment aux croisements des chemins.
- Elles ont servi et servent encore aujourd’hui de repères, notamment dans les zones à intempéries variables et périlleuses.
- Certaines croix de chemins sont aussi des croix de procession funéraire. Le cortège funéraire s’arrêtait au pied de chaque croix se trouvant entre la maison du mort et l’église.
- Certaines croix servaient aux rogations, fête rurale oubliée durant laquelle le prêtre à la tête d’une procession bénissait les champs et les cultures durant les trois jours précédant l’Ascension pour garantir aux villageois la prospérité et les protéger contre diverses agressions (maladies…). Les croix étaient placées dans des endroits stratégiques dans la campagne.
- Les croix pouvaient servir de limites ou de bornages (entrées de villages, marquage de territoire d’une sauveté au Moyen-âge…).
- Les croix peuvent être mises en place pour assurer la mémoire d’un événement brutal (comme la récente croix mémorial à Louis Randon) ou d’un malheur collectif comme une épidémie (les croix de peste) ou encore d’un conflit (croix de batailles)… Certaines croix (croix de mission) ont été édifiées à l’occasion d’une collecte au moment où un missionnaire de l’église séjournait pendant le temps d’une mission dans les lieux.
Le système, devenu discret, des croix qui jalonnent encore les territoires du massif du Sancy est à mettre en relation d’une part avec nos systèmes actuels de bornage, balisage, signalisation des routes (repérage) et d’autre part avec les divers systèmes de conquête des sommets ou éminences, comme les constructions défensives anciennes mais aussi les systèmes de télécommunication ou de production énergétiques actuels sur l’ensemble des territoires auvergnats…

Le motif paysager du carrefour de montagne.
L’intersection entre les routes départementales 36 et 618 est plantée de quatre panneaux : un panneau de signalisation et d’orientation routière, un panneau de signalisation et d’orientation de randonnée et deux panneaux d’information concernant des productions locales aux environs (producteur de miel et producteur de produits fermiers). La densité des panneaux à l’angle des routes est accentuée par les piquets en bois de la clôture du terrain. Ce genre de densification très localisée au niveau d’un croisement ou d’une fourche de route est très répandu. Les panneaux ont une présence d’autant plus forte qu’ils se trouvent souvent à terrain découvert au milieu de prairies et de pâturages. Au point que l’on peut en parler comme d’un "motif paysager des routes de moyenne montagne". Le croisement de routes dans les campagnes a depuis toujours fait l’objet d’aménagements : du lieu choisi pour l’emplacement d’une auberge au lieu d’emplacement d’une croix ou d’une vierge, ce sont des endroits toujours très marqués qui ont eu un statut particulier à chaque époque : repérage, christianisation, séjour… Notre époque en fait souvent un lieu d’information et d’orientation.
Un autre exemple : le croisement entre la route qui mène à Espinasse depuis Saulzet-le-Froid et la route départementale 74. Entouré de prairies, l’angle des routes est marqué par la présence d’un panneau de signalisation de croisement, un panneau d’orientation routière, un poteau de ligne électrique un peu en retrait, quelques arbustes qu’on laisse pousser le long de la clôture et… le cheval qui occupe le champ. De l’autre côté du croisement, une croix a été scellée dans une grosse pierre au milieu du pré.

Le motif et la logique des piquets de neige.
Sur la plupart des routes du massif du Sancy, des piquets de neige sont installés de manière saisonnière, plus ou moins en bordure. Leur présence récurrente crée un paysage routier singulier, notamment en l’absence de neige. Deux grandes sortes de piquets : les piquets en PVC et les piquets en bois. Les piquets en bois tendent à disparaître au bénéfice des premiers. Exemple de descriptions par des fournisseurs : « piquets balises en polycarbonate teinté dans la masse et traité anti-UV ; « piquets en PVC rigide, antichoc grand froid » ; « piquets en PEHD (polyéthylène haute densité) »… Les piquets en bois sont généralement en châtaignier. Une marque de peinture rouge luminescente les rend très visibles. Pour les autres, des autocollants luminescents sont rajoutés pour assurer cette fonction de visibilité. Les machines de déneigement induisent la distance d’implantation du piquet par rapport à la route.

4. EXPERIENCES ET ENDROITS SINGULIERS

Les installations de sport d’hiver.
Les stations de Super-Besse, de Chastreix-Sancy comme du Mont-Dore sur les flancs du Sancy, avec leurs installations de remontées mécaniques et de gestion hydraulique sont des événements du massif très visibles. L’été, l’envers du décor de ces infrastructures apparaît plus clairement, donnant à ces endroits un petit air de désolation squelettique. C’est particulièrement le cas pour les stations les plus à l’écart du tourisme estival comme celle de Chastreix-Sancy par exemple. Certaines stations sont en voie de démantèlement et de reconversion comme celle du Chambon-des-Neiges. En dehors de l’hiver, les stations en attente, à l’arrêt, sont des espaces à l’atmosphère quasi "industrielle".

Les lacs et leurs aménagements récents.
Le lac Pavin, le lac Chambon et le lac de Guéry sont des sites classés, protégés par la politique des sites de l’Etat. Leur intérêt paysager et/ou de villégiature (cas du lac Chambon) a généré une succession d’aménagements ou de projets sur leurs rives (Marlin C., Pernet A., Analyse et bilan de la politique des sites protégés du département du Puy-de-Dôme, Diren Auvergne, 2009).

Les sites du thermalisme et leur "complexe de lieux de promenades".
L’expérience des grands sites thermaux du Mont-Dore, de la Bourboule et de Saint-Nectaire ne s’arrête pas aux seules thermes, ni aux infrastructures de la ville thermale qui les entourent, mais se prolonge jusque dans les alentours "naturels" de la ville vers lesquels les curistes ou touristes, historiquement, font des excursions "paysagères".

La vue depuis les sommets facilement accessibles.
Les sommets de cet ensemble montagneux ont été tous relativement aménagés au fil du temps, plus ou moins sobrement, et sont pour la plupart facilement accessibles. Le Sancy avec son téléphérique, la Banne d’Ordanche avec ses escaliers. Le Capucin et la Roche Vendeix ont longtemps été des destinations célèbres pour accéder à une vue panoramique de proximité sur les vallées…

Le bourg commercial médiéval de Besse-en-Chandesse.
L’atmosphère actuelle du bourg compact de Besse-en-Chandesse, avec ses maisons noires en pierre de lave et ses diverses places à fontaines, laisse apercevoir l’importance commerciale et stratégique que le bourg a eu par le passé, bien que situé à 1000 mètres d’altitude.

L’expérience des grands cols.
Les trois grands cols du massif du Sancy, le col de Guéry (Roches Tuillières et Sanadoire), le col de la Croix-Saint-Robert et le col de la Croix-Morand sont des entrées spectaculaires sur les vallées de coeur du massif.

Les vallées glaciaires de Chaudefour et de la Fontaine Salée.
Ces deux vallées situées sur la périphérie du Sancy, sont réputées pour leur intérêt naturalistes et sont de ce fait toutes deux devenues réserves naturelles nationales. Leur localisation, un peu à l’écart des activités thermales et hivernales, les ont préservées d’aménagements touristiques intensifs.

La « tourbière suspendue » du Bois de La Masse.
Depuis le hameau de La Morangie, un chemin mène à l’immense "tourbière suspendue" du bois de la Masse. Une coulée basaltique a créé une sorte de cirque isolé, surélevé par rapport au plateau en contrebas, constitué d’éboulis sur les versants recouverts d’une forêt dense de hêtres (Bois de La Masse) et d’une vaste zone de tourbières plane au centre. Un relief recouvert d’un bois de hêtres forme une île singulière au milieu de la tourbière. L’endroit est tellement isolé et inaccessible que le fugitif de Christian Bouchardy en a fait un refuge pour échapper à ses poursuivants (Bouchardy C., Le fugitif de la Saint-Jean, éd. De Borée, 2007). La loutre y a aussi élu domicile. Une épreinte toute fraîche sur une grosse pierre plate au bord d’un ruisseau indique sa présence. La présence de coquilles de crustacés dans l’épreinte indique le menu de la loutre et la présence d’écrevisses dans la zone. La multitude de trous d’eau servent aux amphibiens pour se reproduire.
Le terme métaphorique de "tourbière suspendue" souligne sa situation singulière et correspond à l’atmosphère qui s’en dégage. Elle rapproche l’espace naturel de l’idée de "jardin suspendu" dans le sens des "jardins suspendus lointains, merveilleux et perdus de Babylone". La dénomination crée une ambiance.

La petite histoire des rochers points de vue : exemple du Rocher de l’Aigle.
Le Rocher de l’Aigle est un belvédère qui domine la vallée de la couze de Chaudefour en amont du lac Chambon. Le point de vue est panoramique. Le belvédère a été déplacé : l’ancien Rocher de l’Aigle était au bord de la route un peu plus loin, légèrement en contrebas par rapport au nouveau. Un écart du parapet de pierre par rapport à la route isole un emplacement en surplomb de la vallée et marque l’endroit. La dangerosité de l’arrêt situé en pleine ligne droite en descente, suite aux évolutions du tourisme de masse et de l’usage de la voiture, a poussé au déplacement du point de vue. Le nouveau belvédère a été aménagé légèrement. Un petit chemin d’accès, quelques bancs, qui ne sont pas scellés et peuvent être déplacés au gré du désir des visiteurs et de la course du soleil. C’est un rare exemple actuel d’aménagement touristique qui n’est pas fixe et définitif. Les abords côté pente sont entretenus pour éviter leur enfrichement et la fermeture progressive de la vue. Deux poubelles ont été placées au bord de la route un peu à l’écart. A l’entrée du chemin d’accès au belvédère, il y a un transformateur électrique. Il corrobore la relation entre installations fonctionnelles et beau point de vue. Depuis le rocher, on peut voir : les rochers dressés au fond de la vallée de Chaudefour, le sommet du Puy de Dôme, le château de Murol sur son rocher, les silhouettes des installations mécaniques des stations de ski sur les crêtes du Sancy, le plateau de Durbize qui surplombe la vallée de l’autre côté, les constructions d’hébergement de la station de ski fermée du Chambon-des-Neiges installées sur un petit plateau intermédiaire, le village de Chambon-sur-Lac en bout de vallée et le cours de la couze bordé d’arbres…

La vue sur la chaîne des Puys depuis les estives du lac de Servière.
Depuis les pâturages qui bordent le lac de Servière à l’Est se dégage une vue peu connue, en enfilade, sur la chaîne des Puys. C’est dans ces parages que se trouve la source de la Sioule.

Les tras : vestiges de l’histoire agricole au lac Servière.
Le lac de Servière est apparemment sans histoire. Pourtant, qui s’aventure dans la pâture à l’est du lac peut y découvrir d’étranges traces, des sortes de longs sillons étranges dans la prairie qui, ponctués de tas de pierres, s’étendent jusqu’au buron plus à l’est. Ces « Tras » sont les traces d’une organisation pastorale ancienne datant du Moyen-âge. La présence d’une activité agricole laissée apparente sur le sol même de la prairie est un fait rare, contrairement aux constructions. Ces Tras sont un peu un équivalent patrimonial et populaire des étangs du Livradois aménagés au Moyen-âge par les moines. Ils ne sont pas les seuls vestiges du Moyen-âge présents aux alentours du lac. Les ruines d’un château ou d’une maison forte sont enfouies dans la forêt sur les pentes du Puy de Combe-Perret. Le puy porte d’ailleurs le nom de la zone des tras. Ces présences témoignent de l’importance de l’occupation du site au Moyen-âge dans l’aire d’influence d’Orcival.

Le circuit-motos de montagne.
Sur le plateau de la Durbise, la route qui monte au col de la Croix Saint-Robert est utilisée pour une course de côte. Elle a servi au moto-tour en 2008 et au tour de France cycliste. Le revêtement impeccable, la largeur de la route, les glissières, la passerelle indiquant le lieu de départ, l’aire d’atterrissage pour hélicoptère, les multiples dégagements et les motocyclistes qui la fréquentent régulièrement donnent une ambiance d’infrastructure sportive de circuit de montagne. La vue panoramique en direction de la Limagne et des Monts du Forez jusqu’à la Montagne Bourbonnaise et la vue en contreplongée sur le lac Chambon et le château de Murol finissent d’en faire une forme d’aménagement hors du commun.

Les parcs de montagne.
Le parc Fenestre à la Bourboule, parc historique destiné aux enfants malades, et le parc plus récent au-dessus du Mont-Dore en direction du Sancy sont deux exemples de parcs de montagne réalisés sur un modèle de parc urbain, qui contraste étrangement avec le cadre montagnard alentour.

Les routes panoramiques.
Comme par exemple, la route départementale 27, au niveau du château de Cordes, qui passe à flanc de versant ; ou encore la montée vers le col de la Croix-Saint-Robert surplombant le lac de Chambon et le château de Murol.

5. CE QUI A CHANGE OU EST EN TRAIN DE CHANGER

  • Des mutations importantes liées au développement du tourisme hivernal ou estival :
    • Dégradation des crêtes (terrassements, pistes de ski, fréquentations piétonnes…).
    • D’importants travaux de cicatrisation ont été entrepris et l’image des crêtes se requalifie peu à peu. Celles-ci ont longtemps souffert d’une fréquentation intensive, notamment aux alentours du Sancy, avec pour conséquence un tassement du sol et une disparition de la végétation herbacée.
    • La démultiplication des unités d’hébergement : chalets bois (isolés ou groupés en lotissements).
    • L’évolution de l’architecture touristique : après une suite de constructions aux références modernistes, de nouvelles formes architecturales sont mises en œuvre qui recherchent une filiation avec des formes plus traditionnelles (exemple de la maison de la réserve de Chaudefour).
    • Stations d’épuration. Au niveau des lacets que fait la route avant d’arriver au Mont-Dore en redescendant du col de la Croix Saint-Robert, dans une prairie, une petite station d’assainissement des eaux usées d’un camping (situé de l’autre côté de la route) a été aménagée. Deux zones d’épandage de 15 m x 15 m ont été recouvertes de pouzzolane. Des blocs de pierre ont été alignés le long d’une des zones pour éviter les intrusions depuis le chemin qui longe la zone. La zone d’épandage est connectée à la route par une aire bitumée allongée qui sert de parking temporaire. La prairie autour de la station d’assainissement et du parking, à l’intérieur du lacet de la route, est en friche. Les genêts et les saules dominent. Un peu plus loin en contrebas, la prairie d’estive.
  • La modernisation agricole.
    • Agrandissement des parcelles, élargissement des trames, disparition des talus et banquettes, dérochements, élargissement des chemins…
    • Une ségrégation plus forte dans l’exploitation des parcellaires : tendance à une exploitation des parties planes jusqu’aux limites des massifs forestiers ou des zones rocheuses et sous-exploitation des parcelles les plus pentues qui évoluent en landes.
    • Sous-entretien des limites de parcelles où s’installent des genêts.
  • Les divers petits aménagements issus de l’évolution des pratiques agricoles qui font évoluer l’apparence du massif :
    • Les couvertures de silos à lisier. A Courbanges, un peu à l’écart du bourg, au bord d’un pré, une fosse à lisier a été installée. Une aire bitumée allongée aménagée depuis la stabulation permet d’y accéder. La fosse a été recouverte d’une bâche verte tendue en forme de chapiteau. Les intempéries et le brassage brisent la croûte flottante du lisier (croûte naturelle, paille hachée, copeaux de bois, billes d’argile expansée, etc.) ce qui génère des émissions d’ammoniac. Afin de limiter ces émissions, les nouveaux silos sont équipés de bâches de protection.
    • Les maisons d’agriculteur et les toitures solaires. En plongée sous le Rocher de l’Aigle, sur un petit plateau de la rive droite de la couze, l’agriculteur a fait construire sa maison sur le site de son exploitation. Un peu plus loin, les toitures d’un bâtiment agricole sont entièrement recouvertes de capteurs solaires. Deux formes d’aménagements types d’exploitations agricoles contemporaines.
    • La scarification des estives. Sur les versants des reliefs autour du col de la Croix Saint-Robert, certaines prairies d’estive paraissent comme "scarifiées". Des mesures agro-environnementales poussent à la conservation de la diversité des estives. C’est pourquoi, certaines se faisant « grignoter » progressivement par la bruyère, les éleveurs utilisent un girobroyeur afin que l’herbe revienne mieux. Les troupeaux peuvent alors circuler et brouter plus facilement.
    • GR clôturé en estives. Le col de la Croix Saint-Robert est un lieu d’attraction particulier : c’est le point de départ vers les sommets alentours. Des stationnements ont été sommairement aménagés par une couche de gravats concassés. Le chemin qui mène au Puy de l’Angle (GR4) fait passer les marcheurs entre deux clôtures d’estives.
    • L’extension d’un hameau par de nouvelles stabulations. La narse d’Espinasse, cratère d’explosion, est à quelques enjambées du hameau d’Espinasse. L’extension du hameau est un cas d’école qui illustre un mode d’extension particulier des bourgs de campagne. A l’origine, c’est un hameau de bâtiments accolés, de fermes qui forment des alignements singuliers. Un ensemble complexe de bâtiments agricoles a été construit autour en différents points, très légèrement à l’écart du village sans pouvoir toutefois être identifiés de manière autonome, en prolongement, donc. Ils sont soit encore isolés, soit aujourd’hui regroupés en agglomérats qui en préfigurent d’autres pour l’avenir. Un agglomérat de bâtiments dans la partie sud-est du hameau, construit au cours des trente dernières années, a fait progresser la perception que l’on en a par rapport à la narse : le hameau s’étend ; une première stabulation a été construite ; puis un tunnel ; puis, dans les années quatre-vingts, la maison de l’agriculteur proche de ses installations ; puis, d’autres hangars, une extension de la stabulation vers une plateforme récente sur un gros talutage. L’extension du village prend l’apparence d’une extension périurbaine d’un modèle apparenté à celui d’une « zone d’activité agricole ». L’implantation des autres grands bâtiments agricoles, pour le moment isolés, dont certains ont le toit recouvert de capteurs solaires et les abords plantés des mêmes haies de conifères horticoles qu’autour des zones d’habitations périurbaines, contribue également à faire le rapprochement entre ce développement rural de bourg et les formes visibles dans les univers périurbains.
    • Un mode d’abandon d’une parcelle. Au milieu du versant d’un relief pâturé près de Mareuge, une parcelle de forme géométrique, presque carrée, est en friche. Son apparence est très « graphique ». La présence des genêts à des stades d’évolution différents sur certaines zones de la parcelle et la présence d’une petite zone boisée donnent une idée du mode d’évolution de la parcelle vers la friche : environ 50 % de la parcelle est reprise par végétation, les espaces restants sont pour les deux tiers en phase de reconquête. Comme les bêtes sont moins nombreuses à l’hectare que sur les terrains voisins, elles privilégient naturellement les meilleures zones d’herbes de la parcelle. Les variations de qualité du sol et de l’herbe d’habitude imperceptibles de loin sont dans ce cas rendues visibles par l’état d’avancée de l’enfrichement.

6. VERSION IMPRIMABLE

7. PHOTOTHEQUE

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